La section courage du Leclerc du Cannet Rocheville abonné

[Mise à jour du 2 avril 2020] La situation est loin de s'être améliorée lors de la crise du Covid-19 (lire ici).

Infatigable ! La section CFDT du Leclerc du Cannet porte des positions courageuses face à une direction hostile. Son développement constant et son score très enviable aux élections professionnelles sont sa plus belle récompense.

Par Didier Blain— Publié le 06/08/2019 à 07h53 et mis à jour le 18/01/2021 à 20h24

image

« Ici, ce n’est pas paternaliste, c’est royaliste ! » C’est ainsi qu’Antoine d’Eurveiller, le secrétaire du comité social et économique (CSE), décrit l’ambiance dans le Leclerc du Cannet Rocheville (Alpes-Maritimes). Le PDG de ce magasin de centre-ville, qui accueille près de huit mille clients par jour, se plaît à rappeler fréquemment aux responsables CFDT de l’entreprise : « N’oubliez pas, vous êtes ici chez moi. » Ils ne risquent pas de l’oublier, les militants CFDT, tant ce patron leur complique la tâche. Et lorsqu’on les interroge sur la qualité du dialogue social, ils répondent en souriant : « Déjà le mot dialogue… alors social… ! »


Le “mouvement Leclerc” et ses conséquences
Contrairement à d’autres géants de la grande distribution, le groupe E.Leclerc fonctionne sur un modèle coopératif dans lequel chaque magasin est autonome. Ce système explique la variété de la qualité du dialogue social et, pour la CFDT, la difficulté d’une implantation syndicale à la hauteur des 127 000 salariés du groupe.

Une section qui ne lâche rien
Décalage de la paie, temps de repos, amplitudes et affichage des horaires au moins quinze jours à l’avance, primes d’assiduité qui sautent à la moindre absence, base de données économiques et sociales pas mise à jour, etc. La section ne laisse rien passer et interpelle la direction sur tous les sujets qui fâchent. Un travail usant mais indispensable.

Des moyens réduits mais des astuces
Alors que la section ne bénéficiait déjà pas de moyens syndicaux suffisants, la direction les a encore réduits à l’occasion du passage au CSE. Cela n’empêche pas la section d’utiliser a plein le réseau CFDT, les outils confédéraux, la fédération, le syndicat mais aussi la production des sections des autres enseignes telle que les tracts, qu’elle adapte à ses propres besoins.

Triste réalité ! « Il nous faut constamment aller au clash pour faire avancer la direction. Elle ne prend de décisions que le dos au mur », confirme Corinne Marais, la déléguée syndicale. Elle se souvient de cette époque pas si lointaine où la direction avait décidé d’installer des caméras dans le fumoir (à l’époque où fumer était encore autorisé !) et dans la salle de pause afin de surveiller les salariés. « Il a fallu menacer de saisir la Cnil* pour qu’elle les enlève, ce qui a été fait quelques semaines plus tard… mais les caméras ont été remplacées par des détecteurs de mouvement. »

La complexe bataille autour de l’ouverture dominicale

Aux élections de 2010, la section CFDT, présente depuis 2006, prend le leadership, avec 100 % des suffrages exprimés, dans les instances représentatives du personnel (IRP) jusque-là tenues par des élus sans étiquette. C’est à cette époque qu’arrive l’actuel PDG. Sa première décision va vite remuer la section. En dépit d’un décret préfectoral limitant les ouvertures du magasin sept jours sur sept en été et à Noël, il décide d’ouvrir tous les dimanches, alors même que le Syndicat Services des Alpes-Maritimes vient de gagner un procès contre l’enseigne Casino au motif de non-respect dudit décret.

Pour ouvrir le dimanche, le PDG embauche une soixantaine d’étudiants et quelques volontaires parmi les salariés, qu’il rémunère à 200 %. « Ces salariés gagnent bien leur vie et sont satisfaits de leur emploi – mais j’estime que 200 %, ce n’est pas assez. C’est en tout cas beaucoup mieux que les autres, qui sont sur les minima conventionnels, c’est-à-dire quasiment au Smic. Alors que faire ? », s’interroge la déléguée syndicale. Pour la section, la bataille autour du travail dominical se révèle délicate. D’autant que le patron a déjà prévenu : si la CFDT demande l’application du décret, il licenciera tous les étudiants. La section choisit de s’en remettre à l’inspection du travail, qui ne s’est pas encore prononcée.

Au-delà du strict respect du droit, la question du travail dominical pose celle du pouvoir d’achat des salariés. Or, dans cette partie de la Côte d’Azur, le coût de la vie est plus élevé qu’ailleurs. L’immobilier, en particulier, est sous tension. Comment vivre dans cette région avec un salaire proche du Smic ? La question ne semble pas du tout intéresser la direction. Depuis 2011, aucune augmentation collective n’a été accordée aux 340 salariés (297 équivalents temps plein). « La direction a même essayé de décaler la paie, ce qui aurait eu pour conséquence de faire perdre une semaine de salaire aux salariés, explique Corinne Marais. Notre intervention a mis fin à cette tentative. »

Ces interventions, parfois quotidiennes, sont le lot de la section CFDT. Elle est sur tous les fronts : temps de repos, amplitudes et affichage des horaires au moins quinze jours à l’avance, primes d’assiduité qui sautent à la moindre absence, BDES (base de données économiques et sociales) pas mise à jour, etc. Elle a aussi fort à faire en matière de conditions de travail. « On rencontre pas mal de problèmes au service livraisons, observe Fabien Parisy, l’un des élus CFDT du CSE. La charge de travail y est beaucoup trop lourde. Les salariés de ce service se tournent vers nous pour que nous intervenions auprès de la direction et temporisions. »

Chez les hôtesses de caisse aussi, les conditions de travail se dégradent : l’éclairage au néon interfère avec celui des écrans des caisses ; certains postes sont exposés au froid ; les sièges des caissières, de plus en plus…

Pour continuer de lire cet article, vous devez être abonné.

s'abonner

Déjà abonné ? Connectez-vous