Le travail forcé génère 150 milliards de dollars de profits annuels

Publié le 22/05/2014

L’Asie mais aussi l’Europe et les économies développées profitent de cette traite des travailleurs qui concerne encore 21 millions de personnes dans le monde parmi les plus défavorisées.

Plus on est pauvre, plus on risque de se retrouver au travail forcé. C’est l’un des enseignements du rapport du Bureau international du travail (BIT) paru le 20 mai. Selon cette étude, il apparaît que 21 millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont en situation de travail forcé dans le monde. Leur exploitation génère un profit de 150 milliards de dollars (près de 110 milliards d’euros) chaque année. Depuis 2005, le BIT étudie régulièrement ce fléau. De nouvelles méthodes de recherche permettent aujourd’hui d’affiner les données.

Le rapport révèle que 99 milliards de dollars de ces profits résultent de l’exploitation sexuelle. Les 51 milliards de dollars restants proviennent, pour 9 milliards, de la main-d’œuvre exploitée dans l’agriculture, pour 8 milliards du travail domestique, et 34 milliards sont générés par les secteurs de la construction, de la manufacture, de l’industrie extractive et des services publics de distribution.

Les femmes et fillettes représentent environ 55% des victimes. Elles sont en majorité exploitées dans le travail domestique et l’industrie du sexe.

La majeure partie des profits, avec 51,8 milliards de dollars, est réalisée dans la région Asie-Pacifique mais l’Union européenne et les économies développées touchent 46,9 milliards de ces bénéfices illégaux et scandaleux !  

Une perte de revenus pour tous

TravailLe rapport insiste sur la vulnérabilité des victimes du travail forcé. Selon l’étude, les ménages dépourvus de couverture sociale et confrontés à la baisse soudaine de leur revenu ont davantage de risques de se retrouver en situation de travail forcé. Pour survivre ces familles s’endettent ce qui les conduit à dépendre de leurs créanciers. Le manque d’éducation et l’illettrisme sont également des facteurs augmentant la probabilité du travail forcé. Le rapport observe que 44 % des victimes du travail forcé sont des migrants.Le travail forcé constitue une importante perte de revenus pour les victimes d’abord, qui subissent un double préjudice financier et moral, dont elles auront du mal à se relever, mais aussi pour la société car les profits de cette traite humaine échappent à l’impôt et à tout contrôle étatique. De plus, pour les entreprises respectueuses des droits fondamentaux des salariés, le travail forcé constitue une concurrence déloyale qui « ternit la réputation de secteurs entiers », estime le rapport.

 Des préconisations simples

Le rapport invite les pays concernés à renforcer les lois, les politiques et les inspections dans les secteurs exposés. « Les violations du droit du travail devraient être punies sans délai, et des sanctions criminelles devraient être imposées à ceux qui prennent pour proie des travailleurs vulnérables », préconise les auteurs du rapport qui demandent aussi que soient soutenus « la syndicalisation et l’accès aux voies de recours. »

Enfin le texte indique des pistes préventives : une protection sociale, un accès facilité à l’éducation, le renforcement du pouvoir de négociation des travailleurs, des mesures d’inclusion sociale, de lutte contre les discriminations sexuelles, et une bonne gouvernance des migrations. Enfin, le renforcement de la Convention de lutte contre le travail forcé dans le secteur privé est à l’ordre du jour de la Conférence internationale du travail qui se tiendra du 28 mai au 12 juin à Genève.

dblain@cfdt.fr

Photo © OIT