Ivan Hernandez Carrillo, syndicaliste indépendant à Cuba

Publié le 17/06/2016

Secrétaire général d’une organisation syndicale indépendante du pouvoir castriste, Ivan a fait 8 ans de prison et subit régulièrement des tracasseries administratives et des menaces physiques. Pour autant, il n’a pas cessé de lutter pour les libertés syndicales dans son pays. 

Présent à Genève à l’occasion de la 105e Conférence internationale du travail, Ivan Hernandez Carrillo, 45 ans, secrétaire général de la Confédération des travailleurs indépendants de Cuba (CTIC) est venu là pour chercher de soutien et la solidarité internationale dont son organisation a besoin. Il ne fait pas bon être syndicaliste indépendant à Cuba. Ivan, journaliste de formation, en sait quelque chose. En 2003, il est condamné à 25 ans de prison pour ses activités syndicales. Il passera huit années dans les geôles des frères Castro, détenu dans des conditions d’hygiène et d’alimentation déplorables. Il est régulièrement battu et n’a droit qu’à une visite de sa famille tous les trois mois et une conversation téléphonique de 25 minutes par semaine.

Il sera libéré en février 2011. Depuis, Ivan n’a cessé de lutter pour défendre les droits syndicaux fondamentaux et de dénoncer les violations des droits humains dans son pays. Il est sous la menace constante de violences physiques, de détentions arbitraires et de tracasseries administratives. Ainsi il n’a pas obtenu de visa pour participer au colloque organisé par la CFDT en avril dernier sur Cuba. Noir, Ivan est également victime d’un racisme non-dit et non reconnu sur l’île des Caraïbes. « Aucun dirigeant de haut niveau du parti communiste cubain n’est noir, observe-t-il, le discours officiel du parti c’est : « Les noirs ont ce qu’ils ont grâce à nous. Alors qu’ils se taisent ».

Pas d’amélioration pour les libertés syndicales

Aujourd’hui, Ivan est le responsable de l’une des trois organisations syndicales indépendantes de Cuba, la CTIC aux côtés de laquelle la CUTC et la CONIC luttent pour un syndicalisme indépendant contrairement à la CTC, syndicat officiel aux ordres du gouvernement. Toutes trois, elles forment la Coalition des syndicats indépendants de Cuba qui regroupe près de 12 000 adhérents et entend former d’ici la fin de l’année une seule et même organisation syndicale indépendante. La CFDT soutient ces organisations qui recherchent des appuis internationaux pouvant les mettre à l’abri des exactions du régime cubain. Mais malgré l’ouverture économique qui se fait jour avec la levée progressive de l’embargo américain et la visite toute récente de Barak Obama, « Ca ne s’améliore pas du côté des libertés syndicales, affirme Ivan, tous les salaires, y compris ceux des entreprises étrangères installées sur l’île passent par les mains de l’Etat cubain. Lorsque ces dernières augmentent les salaires de leurs employés, ceux-ci ne reçoivent rien de plus. » L’apprentissage de la liberté sera encore long pour le pouvoir cubain !

dblain@cfdt.fr

 

     

La CFDT accueille des syndicalistes cubains libres

Que ce soit dans les pays de l’ex-bloc soviétique, en soutenant Solidarność en Pologne ou Podkrepa en Bulgarie, ou encore au Maghreb avec ses relations fortes et anciennes avec l’UGTT en Tunisie, « la CFDT, rappelle Yvan Ricordeau, le secrétaire national chargé de l’international, a toujours lutté en faveur de l’émancipation des travailleurs et contre toutes les formes de totalitarisme ». Cela s’est encore vérifié le 15 avril lorsque la Confédération a accueilli pour un séminaire deux syndicalistes cubains « libres ». Alejandro Sánchez Saldivar, secrétaire de la CUTC, et Victor M. Domínguez García, directeur du centre de formation syndicale de la CUTC, sont ainsi venus témoigner de la situation sociale et syndicale sur l’île. Alors que le code du travail cubain ne reconnaît que la CTC, le syndicat communiste officiel, qui, selon Victor, « ne fait qu’obéir aux ordres du gouvernement, au point d’annoncer et de justifier lui-même, en lieu et place des autorités, les plans de licenciements étatiques », une coalition de trois syndicats libres a vu le jour il y a quelques années.

Besoin de reconnaissance officielle

Les quelque 12 000 adhérents que revendiquent la CUTC, la CTIC et la Conic luttent au jour le jour, sans reconnaissance officielle et en risquant à tout moment d’être arrêtés pour défendre les droits sociaux des travailleurs cubains. Si Alejandro se dit « optimiste, en dépit des difficultés, parce que les Cubains ne veulent plus de la dictature des Castro », il admet que le chemin vers la démocratie sera long. C’est d’ailleurs tout le sens des interventions des représentants de la CSI et de la CES présents dans la salle : si les discussions progressent avec ces deux confédérations, il faudra encore du temps avant que ces nouveaux syndicats cubains puissent y être affiliés. D’autant plus qu’officiellement, l’unique interlocuteur des organisations internationales reste la CTC. Quoi qu’il en soit, la coalition des syndicats cubains libres peut compter sur le soutien de la CFDT, qui « ne déroge jamais au principe de solidarité internationale », a indiqué Yvan Ricordeau en conclusion de cette journée.

nballot@cfdt.fr