Pour répondre aux préoccupations des agents et faire face à des élus politiques peu conscients des réalités professionnelles, la section CFDT Interco de L’île-d’Yeu mise sur l’écoute et la proximité.
Trente-cinq minutes. C’est le temps nécessaire pour rejoindre L’Île-d’Yeu en bateau. Si l’océan Atlantique forme une frontière naturelle entre le continent et l’île, il semble en constituer une autre en matière de conditions de travail et de dialogue social. C’est ce qui a poussé Laure Barault, agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem), à rejoindre la CFDT en 2011. « Je me suis rendu compte qu’il y avait des soucis dans certains services, ma voix et celle de mes collègues n’étaient pas entendues. C’est là que j’ai rencontré Yannick Leroux, qui était alors le secrétaire de la section. Il m’a expliqué le rôle d’un syndicat et les valeurs de la CFDT, je m’y suis retrouvée. » La CFDT est alors la seule organisation présente au sein de la mairie, mais la section s’essouffle et tente de se maintenir à flot.
Dialogue social en déshérence
Inciter les agents à adhérer Développer le travail avec l’interpro Cap sur les élections du 6 décembre |
Yannick lui propose rapidement de relever un défi : prendre sa suite. Laure accepte. « Un mois plus tard, je devenais secrétaire de section. Je ne savais pas par où commencer mais je savais pouvoir compter sur le soutien de l’équipe et du Syndicat Interco de la Vendée. » Après avoir bénéficié de plusieurs formations syndicales, elle prend ses marques et saute le pas.
Mais la tâche n’a rien d’aisé. Malgré de bons scores aux élections professionnelles (la CFDT obtient 54 % en 2014), les obstacles sur le terrain sont nombreux. À la mairie, le dialogue social est en panne… quand il ne déraille pas complètement. « Nous ne recevions pas les documents nécessaires à la préparation des comités techniques [CT] et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail [CHSCT], quand ceux-ci n’étaient pas simplement annulés. On ne pouvait pas exercer sereinement nos mandats syndicaux. Plusieurs courriers ont été envoyés au maire, aux élus ainsi qu’au préfet pour dénoncer les méthodes employées et la non-considération des représentants du personnel. Lors d’une situation de crise, un courrier adressé au maire avait été cosigné par plus de la moitié des agents ! », se souvient Laure, élue titulaire au CT et au CHSCT. L’équipe CFDT doit aussi surmonter une problématique insulaire. Et Yann Gabillaud, conseiller du salarié, le sait bien : « Il n’est pas coutumier dans l’île de manifester ; il y a une certaine peur, peur de perdre son travail, de ne plus être considéré, parce qu’ici tout le monde se connaît, certains préfèrent subir et ne rien dire. »
Pourtant, les militants de la section ne reculent pas. Forts d’un optimisme à toute épreuve, ils accentuent les rencontres avec chacun des agents après les élections. « Ces tournées sont pour nous l’occasion de présenter aux collègues les fiches d’observations mises en place dans le cadre du document unique. Si un collègue constate un problème, il peut en faire part. C’est à nous qu’il revient, ensuite, d’aborder les problèmes en CT ou CHSCT », explique Jean Jacquemont, secrétaire du CHSCT. Les agents hésitent d’abord à remplir ces fiches, mais confrontés à des conditions de travail qui se dégradent, ils comprennent rapidement leur intérêt. Comme cet agent technique qui devait transporter de lourdes poubelles en fin de journée sur un trajet à fort dénivelé. « On a pu défendre son cas, des solutions ont été trouvées », poursuit Julien Merceron, élu au CT.Jean et Julien évoquent également « l’affaire des lacets », emblématique de la défiance grandissante entre les agents et les élus politiques. « Il était reproché aux agents techniques des changements trop fréquents de lacets de chaussure. Là où les agents invoquaient légitimement une usure de la tenue de travail, la municipalité suspectait des abus et ne voulait plus acheter de lacets. Il a fallu batailler pour obtenir qu’ils en acceptent la prise en charge. Cela reflète bien la difficulté de se faire entendre ! » À force d’échanges, les militants gagnent rapidement la confiance des agents. C’est une belle victoire pour la section. « Une reconnaissance qui nous encourage à poursuivre », enchaîne Laure.
Des dysfonctionnements auxquels s’attelle la section
Parce que la parole des agents s’est libérée, la section a identifié plusieurs dysfonctionnements, dont il va falloir s’occuper sur le plan syndical. Notamment le manque d’anticipation dans la gestion des emplois et des compétences. Un peu partout sur l’île, des temps partiels sont imposés aux agents (à chaque fois aux femmes), le recours aux…