[Mise à jour] Assurance-chômage : la réforme officiellement lancée
La feuille de route transmise par le gouvernement renvoie plusieurs points à la négociation. Les partenaires sociaux se retrouveront tous les jeudis entre le 11 janvier et le 15 février.

Front uni pour les partenaires sociaux Une fois n’est pas coutume, les partenaires sociaux avaient décidé d’afficher leur unité, en publiant la veille du lancement de la multilatérale un document commun. Elaboré dans le cadre du groupe paritaire politique de l’Unedic, ce « Socle de réflexion pour une concertation utile », rappelle la volonté de tous les partenaires sociaux de prendre part aux discussions sur l’assurance-chômage. « Que ces discussions prennent la forme d’une concertation avec l’Etat ou d’une négociation paritaire, elles devront d’abord permettre d’échanger sur le diagnostic et les objectifs poursuivis par l’ensemble des acteurs, pour aborder ensuite tous les sujets de manière ouverte, constructive et approfondie ». Des sujets vastes (nouveaux publics, responsabilisation des acteurs ou encore sécurisation des mobilités et transitions professionnelles choisies..) sur lesquels ils souhaitent «apporter le fruit de leur expérience » en faisant part de leur diagnostic et de certaines mises en garde. Surtout, ils rappellent le rôle d’amortisseur économique et social que l’assurance chômage a su joué pendant la crise. A l’heure où se profile une réforme d'ampleur du régime, « il faut des responsabilités claires pour un pilotage efficace », avertissent donc les partenaires sociaux. Pour cela, ils en appellent au maintien de certains "principes" que sont le caractère contributif de l’assurance chômage, et la responsabilité confiée aux partenaires sociaux de « faire des choix permettant de concilier la protection contre le risque de perte d’emploi, l’adaptabilité du marché du travail et la pérennité financière du régime ». Autant de principes qui devraient à leurs yeux guider la réflexion dans les semaines à venir. |
Avec près d’un mois de retard sur le calendrier initialement prévu, le gouvernement a donc finalement donné le coup d’envoi de sa réforme de l’assurance chômage. Sujet au combien sensible tant les promesses faites par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle sont ambitieuses (et potentiellement très coûteuses pour le régime). A l’issue d’une première rencontre au ministère du Travail le 13 décembre permettant de caler la méthode, un document d’orientation du gouvernement listant les chantiers ouverts à une négociation plus formelle a été envoyé aux partenaires sociaux. Cinq sujets sont mis sur la table : création d’un nouveau droit à indemnisation pour les démissionnaires, extension aux indépendants, lutte contre la précarité (contrats courts), contrôle des chômeurs et gouvernance du régime. Sur les deux derniers points, l’exécutif a déjà fait savoir qu'il souhaitait garder la main et proposer aux partenaires sociaux « des schémas d’évolution possible » dans les prochaines semaines. Les partenaires sociaux, réunis ce 20 décembre en groupe politique paritaire, ont quant à eux convenu de se retrouver chaque semaine entre le 11 janvier et le 15 février. Tour d'horizon des principaux chantiers.
Nouveau droit pour les démissionnaires
Outre la quinzaine de cas de démission légitime déjà prévus par le cadre règlementaire, le gouvernement souhaite « aller plus loin en créant un nouveau droit à l’assurance-chômage ouvert, sous certaines conditions, à toutes les personnes qui démissionnent en vue d’une évolution professionnelle », précise le porgramme de travail. Avec la double contrainte de « supprimer le délai de carence et de raccourcir la durée d’indemnisation » qui prévalent aujourd’hui pour les démissionnaires, syndicats et patronat devront faire des propositions concernant les modalités d’accès à ce nouveau droit : durée d’affiliation minimum et fréquence de l'ouverture des droits, montant, plafond. Un projet ou une reconversion professionnelle pourrait par ailleurs être exigé de la part du démissionnaire comme le prévoyait le candidat Macron.
Couverture des indépendants
Sur les indépendants, appelés à financer l’assurance-chômage via la CSG à partir du 1er janvier 2018, le gouvernement veut « mettre en place de nouvelles protections pour ces nouvelles formes de travail (travailleurs des plateformes, autoentrepreneurs, travailleurs indépendants…) afin de mieux protéger ceux qui y recourent ». S'ils s'emparent du sujet, les partenaires sociaux devront notamment définir le périmètre des indépendants couverts, les faits générateurs de l’ouverture des droits, le niveau et la durée d’indemnisation mais aussi le caractère (obligatoire ou volontaire) de l’assurance chômage. Autant de paramètres sur lesquels le rapport des inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) remis la semaine dernière au gouvernement n’est pas parvenu à se positionner, se contentant d’appeler à la « prudence » face à une « population difficile à assurer contre le risque de chômage ». Signe de la complexité du sujet.
Bonus-malus sur les cotisations employeurs
Le troisième sujet concerne la lutte contre la précarité et la “permittence”, cette succession de contrats très courts et d’indemnisation chômage. Aujourd’hui, 70% des embauches en contrats courts se font chez le même employeur. La question d’un bonus-malus, un temps évoqué par le gouvernement, n’apparaît pas explicitement – l’exécutif préférant laisser aux partenaires sociaux la possibilité d’une alternative négociée qui permettra de lutter efficacement contre le recours abusif aux contrats courts. « Ces mesures devront être suffisantes pour infléchir les comportements d’optimisation aussi bien du côté employeur que du côté salarié ou demandeurs d’emploi », précise la feuille de route. Poussé depuis plusieurs années par la CFDT, décrié par le Medef, le bonus-malus est un sujet sensible. L’idée de faire varier les cotisations employeurs en fonction de la durée du contrat avait déjà été un point dur des négociations sur le renouvellement de la convention d’assurance chômage en 2016 puis 2017. « Pas question cette fois de se contenter d’un engagement des entreprises à négocier dans les branches », prévient le ministère, qui se dit prêt à présenter les simulations chiffrées de son groupe de travail sur les différentes versions de bonus-malus en cas de nouveau blocage patronal sur le sujet.
Contrôle des chômeurs et gouvernance
Le contrôle des chômeurs ne sera vraissemblablement pas soumis à la négociation des partenaires sociaux. Le satisfecit général autour de l’expérimentation menée par Pôle emploi et généralisée en 2016 en matière de contrôle et d’accompagnement des demandeurs d’emploi devrait pousser le ministère à annoncer un renforcement de la politique menée. Les pouvoirs publics pourraient en revanche faire évoluer le volet sanction en proposant aux partenaires sociaux « une réforme du barème et des modalités de sanction dans les semaines qui viennent », précise le document d’orientation. Sur la gouvernance, les évolutions prévues à partir de 2018 (avec le transfert des cotisations salariales vers la CSG) portent le gouvernement à vouloir asseoir « le rôle de l’Etat dans le financement d’une assurance chômage qui gagne en universalité ». Des pistes d’évolution en ce sens devraient être proposées d’ici fin janvier.
La réforme de l'assurance chômage est menée parallèlement à celles de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Ces trois dossiers doivent faire l'objet d'un seul projet de loi transmis au printemps au Parlement pour une adoption avant la fin de l'été.