Retour

Élan de solidarité

Publié le 21/02/2018

S’engager et accueillir. Depuis deux ans, le dispositif d’hébergement citoyen Élan accompagne des familles désireuses d’accueillir des personnes réfugiées en France. Le programme propose aussi de veiller au parcours d’intégration des réfugiés dans sa globalité. Un cadre de qualité, gage de réussite.

Les récits partent presque tous de la même volonté : «  Je souhaitais faire quelque chose, sans savoir quoi ni comment.  » Ou encore : « Nous voulions nous engager, et pas simplement envoyer de l’argent. » Qu’ils se soient sentis touchés ou révoltés par la situation des migrants et parce que pour eux il était évident d’agir, des citoyens ont choisi d’accueillir chez eux des personnes réfugiées. Mais pas sans être accompagnés, encadrés. C’est ce que propose Élan, le dispositif mis en place par le Samu social de Paris.


La spécificité de ce programme tient au cadre et à l’accompagnement mis en place : préparation de la cohabitation (dont la durée varie de trois mois à un an au maximum), suivi des familles tout au long de l’accueil ; accompagnement global de la personne réfugiée y compris sur le plan professionnel ; soutien psychologique ; aide à la recherche d’un logement pour la suite, etc.

Elan StephVaquero0S8A2347Car Élan s’adresse uniquement à des personnes ayant déjà obtenu le droit d’asile et qui sont dans une démarche d’intégration. « Pour nous, accueillir signifie bien plus qu’héberger. Il s’agit d’un programme qui vise à accélérer l’intégration des personnes réfugiées. Ce temps de la cohabitation avec une famille doit permettre de leur donner la stabilité nécessaire pour reprendre corps et place, et envisager l’avenir », explique Nadège Letellier, responsable du programme Élan. L’équipe se compose de cinq personnes : deux psychologues, deux travailleurs sociaux et une conseillère en insertion professionnelle.

« Nous sommes au contact d’une population vulnérable, fragilisée par l’expérience de l’exil, souvent traumatisée par des violences, tant dans leur pays que lors de leur périple pour venir jusqu’ici et même une fois arrivée en France. Nous souhaitions donc poser un environnement structurant et rassurant autant pour ces personnes que pour les familles qui les accueillent », poursuit la responsable, soucieuse de définir un « cadre éthique afin d’éviter toute dérive ».

Afin de rendre la cohabitation plus facile et fluide, les conditions sont contractualisées : accueillants et accueillis définissent ensemble des règles de vie commune. En cas de problème ou de difficulté dans la relation, accueillants et accueillis peuvent se tourner vers leur référent Élan, qui sert de médiateur.

Le dispositif propose d’ailleurs aux familles accueillantes des entretiens dits de supervision, toutes les six semaines, avec le ou la psychologue de l’équipe d’accompagnement, ouverts à tous les membres de la famille. « Accueillir chez soi vient souvent bouleverser les rôles, les places, les légitimités. Cela peut être complexe et source de rivalités, pour les enfants par exemple », souligne Naomi Désirée, l’une des psychologues de l’équipe, dont le rôle et le soutien constituent une ressource inestimable pour les personnes réfugiées.

Chacun son rôle

Selon Valérie et son mari, 55 et 60 ans, « l’accompagnement par une association relevait d’une évidence et d’une nécessité ». Ce couple, dont les enfants ont quitté l’appartement du 18e arrondissement de Paris, accueille depuis l’été 2017, Raimot, une Nigériane de 29 ans. C’est leur troisième expérience après deux précédents accueils d’un jeune Bengali puis d’un réfugié syrien. « Ce soutien d’Élan permet notamment à chacun de rester dans son rôle : l’association prend en charge les aspects administratifs et sociaux et propose un soutien psychologique précieux, grâce à quoi la famille peut rester dans sa position bienveillante. En outre, étant donné ce que ces personnes ont vécu de traumatismes, il serait illusoire de penser que les choses vont forcément aller de soi et que, d’un grand coup d’amour, on va pouvoir effacer tout cela. La médiation de l’association permet de rester conscient de ces éventuels leurres et d’avoir quelqu’un vers qui se tourner en cas de difficulté. » 

« L’enrichissement est mutuel, (…). Avant, il y avait “les migrants”. Maintenant, il y a Ilyas.  »

Ylias MorinStephVaquero0S8A1427En juin, Paul et Brigitte Morin ont sauté le pas. Ils ont accueilli Ilyas Ahmed, un Nigérian de 29 ans. Arrivé en France en novembre 2015, il n’avait connu que les hébergements provisoires et l’instabilité.

Chez les Morin, Ilyas a pris ses marques et bien plus : grâce au soin et à l’investissement du couple, lui qui ne parlait pas français à son arrivée a fait des progrès considérables. Il a aussi découvert le plaisir de travailler le bois, sous les conseils bienveillants de Paul, luthier à ses heures, et avec lequel il peut échanger, de longues heures, sur les sujets les plus variés. Et notamment sur son avenir professionnel. « L’enrichissement est mutuel, souligne Paul, qui a changé de regard depuis qu’il côtoie Ilyas. Avant, il y avait les migrants. Maintenant, il y a Ilyas. » Comme en écho, Corinne, chef de projet dans une agence de communication et qui élève seule ses jumeaux de 5 ans et demi, s’est tournée vers Élan. Depuis juillet dernier, elle accueille Sosina, une jeune réfugiée éthiopienne de 27 ans. Pour montrer à ses enfants qu’« accueillir, c’est simple, et l’autre n’est pas un danger ».  

epirat@cfdt.fr

©Stéphane Vaquero