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Comment la CFDT a réussi le changement chez Carambar & Co

Publié le 13/02/2018

Pendant près de deux ans, l’équipe CFDT de l’usine Carambar & Co de Saint-Genest-d’Ambière a travaillé d’arrache-pied pour rassurer et accompagner les salariés tout au long du processus de revente de leur entreprise et de sa reconfiguration.

Ce fut une très longue traversée pour les 180 salariés du site de Saint-Genest-d’Ambière, ex-employés du groupe Mondelēz International (fabricant de biscuits, confiserie et chocolat) et passés sous le pavillon du groupe CPK (Carambar-Poulain-Krema) en mai 2017. Près de deux années marquées par l’incertitude quant au devenir de leur usine et de leurs emplois, après l’annonce par Mondelēz, à la fin avril 2016, d’un vaste projet de réorganisation de ses activités en Europe, impliquant des cessions d’usines. Pour les salariés du site de Saint-Genest, d’où sortent les sachets de Malabar et de Krema et où était fabriqué l’emblématique chewing-gum Hollywood, ce projet les mettait sur la sellette. « Pendant plusieurs mois, on n’a pas su où on allait. On ne savait pas si on allait fermer ou être racheté. Puis quand on a appris qu’on serait racheté, on ne savait pas par qui », résume Michaël Amadis, le délégué syndical central, qui a fait office de capitaine dans la tempête et a bataillé des mois durant, tant au sein du comité central européen qu’à l’intérieur de l’entreprise afin d’obtenir des informations et les relayer auprès des adhérents et des salariés.

Rassurer les salariés, lutter contre la désinformation

     

Accompagner le changement
L’équipe CFDT a fait le choix d’être un acteur de premier plan dans les transformations de l’usine de Saint-Genest, à la suite de l’annonce du groupe Mondelēz de céder une partie des activités de sa branche chocolat et confiserie, et au moment du rachat de l’usine par la société d’investissement Eurazeo. Avec des priorités : pérenniser les emplois, veiller à la qualité des conditions de travail, garder un outil industriel performant…

Communiquer inlassablement
Un effort particulier de communication vis-à-vis des adhérents et des salariés a été réalisé afin d’informer, de rassurer et d’accompagner. L’équipe CFDT a produit de nombreux supports, avec le souci de donner des repères tout au long du processus de cession et de réorganisation de l’usine.

Proposer des améliorations concrètes
Avec l’objectif de réussir la reconfiguration et le redémarrage des nouvelles productions, l’équipe CFDT a obtenu la nomination d’un expert dont la mission consiste à étudier les impacts organisationnels et opérationnels des nouvelles lignes et d’en anticiper les conséquences, notamment en matière de conditions de travail (exposition, risques, cadences, etc.).

     

L’annonce du nom du repreneur, la société d’investissement Eurazeo, courant 2016, ne met pas fin aux inquiétudes. Car se dessine alors une recomposition des activités des sites cédés par Mondelēz, une sorte de Meccano où les lignes de production sont redistribuées : la production des chewing-gums Hollywood est envoyée en partie en Turquie (les chewing-gums au sucre) et en partie en Pologne (les sans-sucre). Pour sa part, Saint-Genest-d’Ambière se voit attribuer les lignes de fabrication d’une usine installée à Valladolid (Espagne) comme celles des bonbons gélifiés (produits équivalant à ceux du concurrent Haribo). Pendant toute cette période, l’équipe CFDT a tenu une position d’autant plus courageuse qu’« en face, nous avions une organisation syndicale qui mettait de l’huile sur le feu, attisait les angoisses en disant qu’on nous grugeait, que si nos machines partaient à l’étranger, on ne nous mettrait rien à la place », se souvient Éric Ribreau, délégué du personnel. Pour l’équipe, le travail est rude : informer, rassurer, passer régulièrement voir les salariés dans les ateliers et contrer la désinformation. Un important travail de communication et de pédagogie est effectué en vue d’aider les salariés à comprendre ce qui se passe et se repérer dans le déroulement des réorganisations et des déménagements d’ateliers, avec moult tracts enrichis de graphiques ou de calendriers détaillant la mise en place de chaque projet. L’information est d’abord destinée à la section et aux adhérents puis, « deux ou trois jours après, affichée à l’attention de l’ensemble des salariés », précise Michaël, passé maître dans l’art de la communication.

Formation et préservation des conditions de travail

L’équipe bataille aussi afin de préserver les conditions de travail. Car dans l’usine de Saint-Genest, même si le volume d’emplois a été préservé, la majorité des postes est bouleversée. « En six mois, c’est plus de 70 % de l’outil industriel qui a changé. On a du mal à reconnaître notre usine », souligne Jean-François Morel, le secrétaire du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Dès l’annonce du rapatriement des lignes espagnoles à Saint-Genest (elles ont commencé à arriver en pièces détachées en juillet 2017, pour un redémarrage prévu au début de cette année), la CFDT demande que des moyens soient mis en œuvre, permettant d’assurer la formation des futurs opérateurs. Certains sont d’ailleurs partis plusieurs semaines à Valladolid en vue de maîtriser les process. « Nous avions aussi demandé qu’un membre du CHSCT soit missionné sur le site espagnol pour mieux connaître les machines, les conditions d’utilisation et les risques particuliers, mais la direction a refusé », regrette Michaël. Le CHSCT a en revanche obtenu la nomination d’un expert devant s’occuper de mener un audit relatif aux risques afférents aux nouvelles lignes de production.

BonbonPlus©SyndhebPeu de domaines sont épargnés par les bouleversements dans l’usine : même l’évolution professionnelle, qui était fondée sur la maîtrise de compétences liées aux anciennes machines, est aujourd’hui remise en cause par la direction. « Du coup, nous sommes bloqués dans nos évolutions de carrière. Certains opérateurs, qui avaient acquis des unités de valeur sur des machines qui n’existent plus dans l’usine, vont être coincés dans la grille », s’insurge Bruno Brégeat, élu au comité d’entreprise. « C’est notre cheval de bataille : trouver des solutions pour limiter la perte des unités de valeur », souligne Fabrice Giraud, le délégué syndical désigné en novembre 2017 qui va reprendre le flambeau de la renégociation de tous les accords d’entreprise (du fait de la création de la nouvelle entité économique Carambar & Co). Si les accords concernant la participation, le plan d’épargne entreprise ou la mutuelle ont d’ores et déjà été négociés, le programme des mois à venir est chargé : négociation des accords de groupe se rapportant à l’égalité professionnelle, à la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), au CET (compte épargne-temps), etc.

La légitimité de la CFDT… et la confiance des salariés

« La période a été difficile, tendue, mais on en sort plus forts. On a développé la proximité », estime Michaël. La CFDT a su gagner en légitimité… et la confiance des salariés. Les résultats aux élections du site d’Issy-les-Moulineaux (qui regroupe toutes les fonctions supports), en juin 2017, après la constitution de la nouvelle entité commerciale Carambar & Co, à l’issue desquelles la CFDT a recueilli 75 % des voix, en est une traduction. Et même si parfois la nostalgie d’avoir « perdu notre cœur de métier, la gomme, et notre marque phare, Hollywood » se fait sentir, c’est finalement le soulagement d’avoir quitté le groupe Mondelēz qui prévaut. « Là, les nouveaux dirigeants ont une vision valorisant le “made in France”, on peut se projeter à plus long terme, au moins sur les dix prochaines années. » Les indicateurs sont au vert : l’entreprise recommence à recruter, les investissements repartent… À Saint-Genest-d’Ambière, les militants CFDT se félicitent d’avoir accompagné le changement et la relance du site.

epirat@cfdt.fr

     

Repères

• Carambar & Co compte cinq usines en France, dont celle de Saint-Genest-d’Ambière, qui fabrique des bonbons ; les sites de Strasbourg et Blois sont spécialisés dans la fabrication de chocolat (Poulain). Soit un total d’environ 1 000 salariés.

• La CFDT, présente dans tous les sites, est la première organisation syndicale avec 36,4 % des voix pour l’ensemble du groupe. Elle atteint 53 % à Saint-Genest et 75 % au siège, situé à Issy-les-Moulineaux (scores obtenus aux élections de juin 2017).