Coiffure : il est temps de changer d’(h)air abonné

Chaque jour, plus de 900 000 Français poussent la porte d’un salon de coiffure. Un moment de détente pour les clients… qui ne se doutent pas des conditions de travail souvent difficiles des employés et des risques qui pèsent sur leur santé.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 12/02/2019 à 15h40

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C’est dans un salon indépendant, niché rue de l’Ancienne-Comédie, à Paris, que Cécile exerce sa profession avec passion. À 37 ans, elle a déjà vingt ans de métier derrière elle. « Aujourd’hui, je travaille dans de très bonnes conditions, confie-t-elle d’emblée. Mais cela n’a pas toujours été le cas. »

Cecile DR 2019Elle débute en tant qu’apprentie avant d’être embauchée comme coloriste dans un salon franchisé. Mais, au bout de deux ans, des démangeaisons cutanées et des maux de tête quotidiens, liés à la manipulation des produits chimiques, l’alertent. Trop dangereux pour la santé. « Le pire, c’était les lissages brésiliens, très en vogue il y a quelques années. Trois heures d’affilée à respirer des produits toxiques chauffés au sèche-cheveux et au fer à lisser. »

Une fois, elle a bien tenté de porter un masque pour se protéger. Mais très vite, elle s’est fait rappeler à l’ordre. « Ma cliente m’a dit qu’elle avait l’impression d’être chez le dentiste, et j’ai dû le retirer, sous le regard insistant de mon employeur. »

En France, le secteur de la coiffure compte 114 000 salariés (dont les alternants) et 17 600 apprentis, ce qui en fait l’un des acteurs majeurs du commerce de proximité. Au cours des dix dernières années, avec la crise et la baisse de la fréquentation des salons, le métier a dû se réinventer : diversification des prestations, coiffeurs à domicile (qui représentent aujourd’hui 20% du secteur), etc. Qu’en est-il du côté des conditions d’exercice du métier ? « Les choses avancent grâce au travail de la branche mais il reste encore beaucoup à faire », résume Betty Soudet, du Syndicat interdépartemental du commerce d’Île-de-France, le Sico-CFDT.

Patricia, qui approche des 60 ans, porte un regard plutôt optimiste sur l’évolution du métier. Elle se souvient de ses débuts, quand il était mal vu, voire interdit, de s’asseoir lorsque l’on coupait les cheveux. « Des heures passées debout, le dos courbé, à éviter le coup de ciseaux du collègue et à ne pas glisser sur une mèche de cheveux. (Les chutes sont la première cause d’accident dans le secteur.) Aujourd’hui, imaginez, on a des sièges dont on peut régler la hauteur ! », plaisante-t-elle.

Les premiers symptômes ne sont intervenus que plusieurs années après mes premières expositions."

Ce qui la préoccupe plus sérieusement, c’est son asthme, dont les crises sont de plus en plus fréquentes et virulentes. Il y a quelques mois, elle s’est résolue à faire des analyses prescrites par son médecin. Verdict : un asthme professionnel, dû à l’utilisation des persulfates d’ammonium que contiennent de nombreux produits de décoloration.

« Les premiers symptômes ne sont intervenus que plusieurs années après mes premières expositions. » La législation européenne en vigueur prévoit bien qu’un produit cosmétique mis sur le marché doit être sans risque pour la santé humaine, dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. Malheureusement, ce règlement est exclusivement centré sur la protection des consommateurs, qui utilisent ces produits de manière occasionnelle. Les professionnels, eux, y sont exposés durant huit heures, cinq ou six jours par semaine, et ce, tout au long de leur carrière. « C’est bien le problème, on nous demande d’utiliser des produits dont on ne connaît pas vraiment les effets », s’inquiète Patricia. D’après l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), 20% des coiffeurs seraient touchés par des problèmes d’asthme professionnel au cours de leur vie.

La nouvelle génération peu consciente des dangers

Actuellement, Patricia est en pleine procédure pour faire reconnaître son asthme comme maladie professionnelle, même si, dit-elle : « Il ne me reste pas…

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