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Chez CBA, la section CFDT grandit avec l’entreprise

Publié le 30/11/2017

Créée en 1995 alors que l’entreprise CBA ne comptait qu’une dizaine de salariés, la section CFDT a su s’adapter au développement de cet éditeur de logiciels qui emploie désormais 110 personnes et vient de déménager dans un immeuble flambant neuf.

La peinture est encore fraîche et quelques ouvriers s’activent cà et là pour régler les derniers petits problèmes techniques. Mais cela n’empêche pas les 110 salariés de CBA d’être à leur poste. Éditeur de logiciels destinés aux infirmières libérales, cette entreprise basée à Avignon, inconnue du grand public mais leader sur son marché à l’échelle nationale, vient de déménager dans un immeuble flambant neuf qui témoigne de sa santé florissante. « Nous sommes la preuve que syndicalisme et développement économique peuvent aller de pair », souligne Philippe Ballester, délégué syndical CFDT. Il a été l’un des tout premiers salariés de l’entreprise. « Je suis arrivé chez CBA au début des années 90. C’était une entreprise familiale qui comptait une dizaine d’employés. CBA reste aujourd’hui une entreprise familiale, mais nous avons changé d’échelle. »

Le choix de la CFDT, la naissance de la section

     

Fermeté mais volonté de dialogue
« Ce n’est pas parce qu’on travaille dans une petite entreprise que l’on doit avoir de petits droits. » Ce slogan de la CFDT s’applique parfaitement à l’entreprise CBA. Même lorsqu’ils n’étaient qu’une quinzaine, les salariés ont su se faire respecter par la direction, refusant toute forme de paternalisme et n’hésitant pas à monter une section syndicale et faire appel à l’inspection du travail pour obtenir gain de cause. Cette fermeté s’est en revanche toujours accompagnée d’une volonté de dialogue afin de ne pas pénaliser le bon fonctionnement de l’entreprise.

Indispensable formation syndicale
Chaque nouvel élu suit automatiquement une formation afin d’assurer au mieux son mandat. « Un militant chevronné m’a dit un jour : “Tu as les droits que tu prends !”, raconte le délégué syndical CFDT Philippe Ballester. Or, pour prendre ses droits, il faut déjà les connaître. »

Engagés bien au-delà de l’entreprise
Dès 1995, les élus du personnel se sont adressés à la CFDT pour connaître leurs droits et se former. Au fil des années, certains ont accru leur investissement dans l’organisation au point, comme Philippe, d’être détaché un jour par mois au Syndicat Communication, Conseil, Culture Provence-Alpes. Le syndicat finance son poste, jugeant important que les militants des petites entreprises puissent avoir l’opportunité de s’investir en dehors de leur entreprise.

     

La CFDT est presque aussi vieille que l’entreprise. En 1995, la direction a en effet annoncé aux salariés – ils étaient alors une quinzaine – qu’elle comptait proposer à ses clients une hotline sept jours sur sept et qu’ils allaient devoir travailler le dimanche. Se sentant pris au piège, quelques salariés décident alors d’appeler une organisation syndicale à la rescousse. « Le choix de la CFDT s’est fait un peu par hasard, se souvient Philippe Ballester. C’est la seule organisation qui nous a répondu en urgence, un vendredi soir à 18 heures. » La démarche a été payante : sur les conseils de l’Union départementale du Vaucluse, l’inspection du travail est intervenue et a interdit cette ouverture dominicale.

La section syndicale CFDT de CBA était née. « À la suite de cette affaire, nous avons connu une sorte de guerre froide pendant un an, se rappellent ceux qui étaient déjà présents à cette époque. Le directeur a essayé de nous intimider puis de nous diviser, mais cela n’a pas marché. Progressivement, il a compris que nous étions dans un état d’esprit constructif et que nous avions bien conscience que nous étions tous dans le même bateau et que notre intérêt était qu’il avance. Les relations ont fini par se normaliser. »

Pour une petite entreprise, CBA aurait même pu faire figure de modèle en matière de dialogue social. Dès 1995, la direction a accepté de prendre en charge 50 % de la mutuelle. En 1998, les salariés sont passés aux 35 heures et de vraies négociations annuelles obligatoires se sont tenues à partir des années 2000. Formés grâce à l’interprofessionnel CFDT, les élus sont montés en compétences et ont réussi à imposer une forme de professionnalisme dans la gestion des ressources humaines. « Il y a eu des moments de frictions. L’inspection du travail a parfois dû intervenir, mais nous sommes toujours parvenus à trouver un terrain d’entente, explique Philippe Ballester. Notre patron est quand même quelqu’un d’assez social qui a bien compris tout l’intérêt d’avoir des interlocuteurs syndicaux solides pour le bon fonctionnement de l’entreprise. » Même durant ces années 2000 qui ont été un peu tendues, la section est parvenue à obtenir un accord d’intéressement. Année après année, les tickets-déjeuner vont faire leur apparition, puis les chèques-vacances, les cadeaux de Noël, etc.

Accord de participation et aide aux transports propres

En 2010, une nouvelle étape importante pour l’entreprise et les élus du personnel est franchie : le seuil des cinquante salariés. Un défi relevé par les représentants syndicaux, qui vont alors apprendre à gérer un comité d’entreprise. « La direction avait hésité pendant un à deux ans à franchir ce cap, explique Philippe. Elle avait à l’origine créé une filiale. Finalement, elle s’est résolue à fusionner les deux entreprises et à accepter de faire face aux obligations sociales qui vont avec. » En 2011, la CFDT a donc pu négocier un accord de participation qui représente aujourd’hui entre deux et trois mois de salaire supplémentaires. « Pour la direction, cela a été un choc la première année, sourit le délégué syndical. Mais cela n’a pas empêché l’entreprise de continuer à se développer. »

En marge des activités classiques d’un comité d’entreprise d’une « moyenne entreprise », les élus CFDT ont également négocié un accord, certes modeste financièrement, mais plutôt atypique et qui peut donner matière à réflexion à toutes les sections CFDT. Ils ont en effet obtenu de la direction qu’une toute petite partie de la prime de transport versée à l’ensemble des salariés aille dans un fonds commun géré par le comité d’entreprise afin de valoriser les déplacements propres. Concrètement, les salariés qui s’engagent à abandonner leur voiture pour venir au travail sont récompensés par des chèques-culture du comité d’entreprise. « Ce système fonctionne depuis sept ans, expliquent les membres de la section, et de 700 à 800 euros sont redistribués chaque année à une vingtaine de personnes qui ont joué le jeu du covoiturage, des transports en commun, du vélo ou de la marche. Ce n’est pas grand-chose et ce dispositif pourrait certainement être amélioré, mais il permet, à notre humble niveau, de sensibiliser les salariés, d’éveiller les consciences. » Signe des temps, la direction a elle aussi fait le choix du développement durable en achetant des locaux à la pointe en matière écologique, avec isolation dernier cri, panneaux solaires sur le toit, projets de compost et autres potagers partagés. Sans parler de la microcrèche du rez-de-chaussée qui accueille onze enfants de salariés.

L’expérience d’un syndicaliste d’une PME du privé

« Quand je vois ce qui se passe dans les autres entreprises, je relativise les petites tensions que nous pouvons avoir ici », résume Philippe Ballester, qui s’est progressivement investi dans la CFDT au-delà de CBA. Conseiller du salarié, conseiller prud’hommes depuis 2008, il est depuis peu détaché une journée par mois au Syndicat Communication, Conseil, Culture (S3C) Provence-Alpes, afin de s’occuper de tous les adhérents dits isolés. Une nouvelle expérience syndicale pour cet élu enthousiaste. « J’y apporte mon expérience de syndicaliste dans une petite boîte du privé et j’y trouve d’autres militants plus aguerris à la négociation qui me conseillent sur les sujets plus techniques. C’est très enrichissant. »

Avec 92 % des voix au premier tour des dernières élections professionnelles et une participation des salariés de 95 %, il est devenu évident que les élus CFDT se révèlent aujourd’hui incontournables chez CBA, où les relations sociales sont actuellement apaisées. « Vingt ans après la création de la section, nous ne travaillons toujours pas le dimanche », s’amuse Philippe Ballester.

jcitron@cfdt.fr

     

Repères

• Éditeur de logiciels pour les infirmières libérales apparu en 1986 à Avignon, CBA est une entreprise au capital 100 % familial restée fidèle à sa ville d’origine. Elle emploie 110 salariés. Une cinquantaine d’entre eux travaille à la hotline, une trentaine au développement informatique, les autres se partageant entre les autres services.

• Présente depuis 1995 chez CBA, la CFDT a souvent été la seule organisation syndicale. Les élus veillent à ce qu’un maximum de salariés votent aux élections professionnelles, d’où une participation de 95 %.