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Association Adèle de Glaubitz : La proximité et le collectif pour agir sur le travail

Publié le 21/03/2017

La CFDT de l’Association Adèle de Glaubitz a adapté ses pratiques syndicales à chacun des 32 établissements afin d’enquêter auprès d’un maximum de salariés. Avec un objectif prioritaire : les faire s’exprimer sur leur travail.

« Jamais on n’aurait pu espérer un tel score. Cela nous engage d’autant plus à poursuivre notre action auprès des salariés, mais on ne boude pas notre plaisir », lâche Philippe Bernhard, militant de la première heure. En octobre dernier, la CFDT de l’Association Adèle de Glaubitz a encore un peu plus affirmé sa différence dans le paysage syndical, en obtenant 82 % des voix aux élections professionnelles. Un plébiscite par lequel les 1 200 salariés de l’association alsacienne ont récompensé le travail de proximité et l’implication de tout un collectif autour d’un projet structurant : la qualité de vie au travail (QVT). Le sujet est loin d’être neuf pour les délégués syndicaux CFDT, répartis sur les cinq sites que compte la structure. Dès 2010, la CFDT avait signé un accord de prévention des risques psychosociaux. Mais les disparités d’un établissement à l’autre en avaient limité l’impact sur les salariés et rapidement poussé la section à remettre le sujet au cœur de sa stratégie revendicative. « Lors des tournées de services, les salariés nous parlaient du manque de reconnaissance, des difficultés organisationnelles et de leur incompréhension face à certaines décisions hiérarchiques. Mais nous n’avions pas réellement d’indicateurs ni de points de comparaison d’un établissement à l’autre », raconte Chaffai Sahraoui, délégué syndical sur le site de Cernay.

Une appropriation collective qui a soudé la section

En 2015, la Fédération Santé-sociaux va leur donner l’occasion d’approfondir la question : elle met à la disposition des sections qui le souhaitent une enquête QVT clés en main adaptée à chaque branche professionnelle… À charge pour chaque collectif de trouver le moyen le plus adéquat de déployer, collecter et exploiter l’information. L’idée est séduisante, même si sa mise en œuvre effraie un peu les militants au départ. « Il a fallu réunir les délégués syndicaux et élus CHSCT [comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail] des différents sites afin qu’ils s’approprient la démarche et décident de la manière de procéder. À cause de notre implantation géographique [qui couvre toute l’ancienne région Alsace], les élus et mandatés n’ont pas l’occasion de se rencontrer très souvent. Pour nous, cette enquête était aussi l’opportunité de créer du lien entre eux », résume Philippe Bernhard, le délégué syndical central.

La taille des 32 établissements que compte l’association nécessite rapidement d’adapter les modalités de réalisation de l’enquête. Pour chaque site, il faut définir un calendrier, désigner des militants-ressources, traiter les questions logistiques. « Nous avions convenu de ne pas déployer l’enquête partout en même temps, afin de pouvoir rectifier le tir si d’éventuelles erreurs dans notre manière de communiquer, de présenter l’enquête étaient commises », explique Marie Reine Stroh, déléguée syndicale sur le site de Still (Bas-Rhin). Dans certains endroits, il faut aussi prendre le temps de rassurer les salariés. « L’anonymat des questionnaires, la garantie que les réponses seraient traitées en interne et de manière globale préoccupaient beaucoup de salariés. C’est aussi ce qui nous a poussés à adapter l’organisation de l’enquête à chaque établissement », complète Olivier Berger, membre du CHSCT à Colmar.

Au total, le déploiement de l’enquête prendra quatre mois. Avec des procédures très différentes, mais toujours en prenant soin d’informer les salariés, à chaque étape de la démarche. Les résultats de l’enquête, quant à eux, viendront rapidement confirmer le ressenti des militants (lire l’encadré).

Un retour comparatif et personnalisé

       

Les enseignements de l’enquête

Principal point noir qui ressort de l’enquête effectuée par la CFDT : les violences verbales et physiques subies par les salariés, avec des taux bien supérieurs à la moyenne nationale – environ 29 % de victimes d’agressions physiques (contre 21 % au niveau de la branche), et même des pics à 50 % dans certains établissements. « On accueille des publics dont l’Éducation nationale ne veut pas », rappelle une élue du CHSCT. La majorité des victimes de violences affirme d’ailleurs ne pas faire de rapport d’incident à la suite d’une agression. La CFDT – rarement informée, elle aussi, des arrêts maladie consécutifs à des cas de violences – entend bien obtenir l’outil inscrit dans l’accord QVT pour répertorier les cas d’agressions.

Autre indicateur fort : le sens du travail. La multiplication des tâches et le manque d’autonomie sont largement pointés par les salariés. « Il faut sans cesse justifier du travail que l’on fait mais sans que l’on nous donne les moyens ni le temps de le faire correctement », résume une militante. Du coup, si l’immense majorité des salariés se sent utile aux usagers (96 %), un quart d’entre eux se déclarent en contradiction avec leurs valeurs éthiques et morales.

   

Avec un taux de retour global de 60 %, les indicateurs mis en lumière par l’enquête confèrent à la section une véritable légitimité, tant vis-à-vis de la direction que des salariés. La présentation des résultats, en mai 2016, permet une analyse et des conclusions sur mesure pour chaque établissement ainsi qu’une comparaison nationale, grâce aux retours d’enquêtes de la branche déjà remontés à la fédération. « La lecture extérieure des résultats par la fédération et les échanges que nous avons pu avoir avec notre syndicat ont d’ailleurs fait évoluer l’interprétation que l’on pouvait avoir de certains items. D’où l’importance de ne pas partir bille en tête et de prendre le temps de dégager les priorités que l’on veut porter syndicalement. » Ces priorités, la section les met en avant depuis la fin septembre 2016 à différents niveaux. « Nous avons proposé des pistes d’amélioration dans certains établissements, sur la prise en charge des violences notamment. Par ailleurs, nous avons entamé fin janvier une négociation en vue d’aboutir à un accord QVT dans le courant de l’année », explique Philippe Bernhard. Violences, sens du travail et expression des salariés devraient être au cœur des débats.

Une démarche qui provoque des vocations militantes

« La section a su définir où elle voulait aller, ce qui est certainement le plus dur dans la démarche. Il ne faut pas aller trop vite, au risque de se brûler les ailes, ni trop lentement, pour ne pas décevoir les attentes des salariés », conclut Bertrand Brand, secrétaire du Syndicat Santé-sociaux du Haut-Rhin. D’autant qu’en parallèle, la section s’est donné comme ambition de finir l’enquête dans les établissements où elle n’avait pu être menée, faute d’élus. Entre-temps, la démarche CFDT a fait des émules et provoqué des vocations militantes. Selon Marie Reine, une chose est sûre : « On n’en a pas fini avec la QVT ! »

aballe@cfdt.fr

     


Repères

• L’Association Adèle de Glaubitz, répartie sur cinq sites en Alsace et 32 établissements, accueille 2 000 personnes (jeunes en difficulté sociale, enfants et adultes en situation de handicap, personnes malades ou dépendantes). Elle emploie près de 1 200 salariés, dont la moitié sur le site de Cernay (Haut-Rhin).

• Aux élections professionnelles de 2016, la CFDT a encore raflé la mise en recueillant 82 % des voix (+ 11 points), très loin devant la CFTC (15 %) et la CGT (2 %), non représentative.

• La CFDT compte 120 adhérents et de nombreux sympathisants.