Implantée depuis plus d’un siècle au cœur de Villeurbanne, l’entreprise ACI s’apprête à connaître une nouvelle jeunesse. Alors que cette filiale du groupe Renault était vouée à disparaître, la CFDT a obtenu la construction d’une nouvelle usine dans une ville voisine. Une décision rare dans la période.
« Cette usine a une âme ! » Lorsqu’il accompagne un visiteur pour faire le tour du propriétaire, Jean-Sébastien Mazeran, délégué syndical CFDT, ne peut s’empêcher de raconter l’histoire de ce bâtiment emblématique de Villeurbanne. Construite en 1898, cette usine de filage textile à l’époque a employé jusqu’à 600 ouvriers. En 1940, changement radical. Les machines à filer vont laisser la place à l’industrie lourde. Le site devient une usine d’aviation qui est la propriété de l’armée française. Dans les années 60, nouveau virage. Ce sont des tracteurs qui sortent des chaînes d’assemblage grâce à près de 2 000 ouvriers. Enfin, à partir des années 70, l’usine se spécialise dans la fabrication de pièces destinées à l’automobile.
Une usine en déshérence
Regarder la réalité en face Miser sur l’expertise Embarquer les salariés |
Aujourd’hui filiale à 100 % du groupe Renault, ACI (Auto Châssis International) occupe encore cinq hectares en plein centre-ville de Villeurbanne, mais l’entreprise n’emploie plus que 200 salariés, contre plus d’un millier au début des années 2000. Petit à petit, le constructeur a laissé de côté cette usine au profit d’autres sites du groupe au savoir-faire similaire comme l’usine du Mans. Un lent déclin qui a poussé une poignée de salariés adhérents à la CFDT à se retrousser les manches avant qu’il ne soit trop tard. « J’ai été élu à la fin de 2009 en pleine crise de l’automobile, explique Jean-Sébastien. À l’époque, la CGT était majoritaire et avait rompu tout dialogue avec la direction du groupe. L’une de mes premières missions a été de renouer le contact car nous n’existions plus chez Renault. »
En 2014, la fine équipe progresse aux élections professionnelles et, avec 39 % des voix (la CGT était encore à 55 %), prend la direction du comité d’entreprise grâce aux voix des techniciens et des cadres. Sa légitimité est alors renforcée et elle peut lancer une expertise économique avec le cabinet Syndex pour tenter de trouver un avenir au site. Le point de départ d’un beau projet industriel qui, cinq ans plus tard, est en passe d’aboutir.
Fin connaisseur du monde automobile, l’expert Syndex, Jean-Pierre Néollier, va dans un premier temps tenir un discours de vérité aux élus. Située en pleine zone urbaine et n’ayant bénéficié d’aucun investissement en dix ans, l’usine n’a guère d’avenir. « Il nous a fait prendre conscience que s’accrocher à l’existant n’avait pas de sens. Nous avions beau dire que c’était injuste, que le groupe nous avait oubliés, cela ne faisait pas avancer, résume Jean-Sébastien. Il a fallu abandonner notre vision romantique de cette usine qui ne pouvait pas fermer. »
Une démarche “CV de site”
À l’échelle nationale, la CFDT avait signé en mars 2013 un accord stipulant qu’aucun site français ne fermerait jusqu’en 2016. Mais lors de la renégociation de cet accord pour la période 2017-2020, le danger s’est rapproché. La CFDT n’obtient du groupe, in fine, que des discussions paritaires sur l’avenir de Villeurbanne. ACI n’a plus aucune assurance quant à son activité. Il devient urgent de se mettre autour d’une table pour trouver une solution. La CFDT, encore elle, propose alors à la direction de mettre en place une démarche « CV de site » avec le cabinet Syndex. L’idée est de lister avec les salariés les forces et les faiblesses de l’usine. Cette forme de constat partagé permet de faire remonter à la direction des indicateurs autres qu’économiques. « La démarche a permis de faire prendre conscience à la direction des atouts de cette filiale qu’elle n’avait jamais identifiés », souligne Jean-Pierre Néollier, toujours à la manœuvre au nom de Syndex. La réactivité des équipes et leur inventivité ont notamment été mises en lumière. Alors qu’il n’y avait plus d’investissement dans l’usine depuis plusieurs années, la direction industrielle de Renault a été surprise de constater que les salariés avaient réussi à bricoler les machines avec les moyens du bord en vue de répondre aux attentes du groupe. « Ils ont…