À l’Ehpad St-Jacques, c’est l’humain avant tout abonné

En manque de personnel et devant jongler avec un budget au plus juste, l’Ehpad Saint-Jacques n’échappe pas aux difficultés du secteur. Pourtant, la qualité du dialogue social, l’implication des soignants et une formation professionnelle de qualité en font une maison de retraite un peu à part. Reportage.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 10/02/2020 à 13h46

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Le bonheur supprime la vieillesse », disait Kafka. À en juger par les visages de ses résidents, la maison de retraite Saint-Jacques de Grenade-sur-Garonne est assurément un endroit où il fait bon vivre. L’établissement public, ouvert en 2005 à une trentaine de kilomètres de Toulouse, ne montre aucun signe d’usure et n’a cessé de se renouveler au fil des ans. Patios, jardins potagers, maison dédiée aux activités… tout est fait pour accueillir au mieux les 225 résidents, dont le respect de la dignité et de l’autonomie semble avoir été érigé en totem.

« Un mois passé ici coûte en moyenne 2 300 euros, soit le prix moyen des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad]. Mais les projets qui s’y développent depuis une dizaine d’années en font un lieu à part », résume Nathalie Gabarra, aide-soignante. Elle cite pêle-mêle les miniséjours organisés chaque année, l’espace pour les aidants (lire ci-dessous), les ateliers communs avec les enfants des centres aérés et des écoles voisines ou le recours à la médiation animale. Il y a dix ans, la direction a fait le choix d’introduire des animaux dans l’établissement. Chien, chat, lapins y ont ainsi élu domicile ; et la visite mensuelle de Pompon, le poney, est toujours un moment très attendu.

Ehpadgrenade JMelin2020« On a vu les résidents développer à nouveau leur motricité et s’engager dans un processus de soins. Ils s’occupent des animaux, les nourrissent. La présence d’un chien ne guérit pas mais elle participe au bien-être autant qu’elle ravive des habitudes du passé », explique Marybèle Barrès, ergothérapeute.

Maintenir les habitudes, c’est tout le sens du « projet de vie » établi à l’entrée de chaque résident – en présence de la famille, autant que faire se peut. « Quand ils arrivent ici, ils ont souvent perdu leur conjoint, ont quitté leur maison et savent qu’ils ne rentreront plus chez eux. Le changement est suffisamment brutal pour que l’on ne change pas en plus leur façon de vivre. Forcer un couche-tard à aller au lit à 21 heures est quelque chose de terriblement infantilisant », poursuit-elle.

Et ce n’est pas Nicole qui vous dira le contraire. À 76 ans, personne n’oserait lui interdire l’entrée de la lingerie, où elle « officie » tous les matins depuis douze ans au côté des salariés.  « J’ai été dans d’autres établissements avant celui-ci, mais jamais on n’avait pris soin de moi comme cela. Ici, pour la première fois, j’ai l’impression de faire ce dont j’ai envie. Mais je les plains, mes pépettes [c’est comme cela qu’elle appelle le personnel soignant], car elles ne sont pas assez nombreuses pour tout ce qu’il y a à faire ici. Alors, quand il y a une manif, je les suis ! »

“On mange avec eux, on vit avec eux”

À Saint-Jacques, pas d’angélisme. Le personnel soignant partage les mêmes difficultés que leurs collègues d’autres établissements, et se mobilise depuis deux ans contre le manque de moyens et la surcharge de travail.

Le personnel a fait ses comptes, en s’appuyant sur les derniers rapports qui préconisent six aides-soignants ou infirmiers pour dix résidents. Actuellement, il manque une trentaine de soignants pour fonctionner normalement. « La direction en est consciente et nous soutient pleinement. Cela facilite le dialogue social et la recherche de solutions », souligne Nathalie.

Alors, en attendant des jours meilleurs, l’établissement pratique la cogestion avec les organisations syndicales et mise beaucoup sur la formation des soignants, animée par des kinésithérapeutes. « Face à des personnes agitées ou présentant des troubles cognitifs, les gestes de prise en main sont utiles pour l’acceptation du soin. Ce sont des gestes que l’on a en nous mais que l’on a perdus, faute de temps », explique Myriam Moro, aide-soignante. Agente de service, Anne partage le même constat. D’autant qu’à l’unité protégée où elle a choisi de travailler, les résidents, tous atteints d’Alzheimer, communiquent peu. « Il faut trouver à établir un lien par un autre biais. Alors pas question de compter notre temps, pour les soins ou pour autre chose. On mange avec eux, on vit avec eux. »

Comme tous les…

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