A Fos, la CFDT d'ArcelorMittal milite pour une transition écologique

Publié le 15/06/2020

Percutés de plein fouet par la crise, les hauts-fourneaux de Fos tournent au ralenti et demandent l’aide des pouvoirs publics. La section CFDT souligne la nécessité de soutenir ce secteur stratégique tout en exigeant des contreparties à ArcelorMittal sur les plans social et environnemental.

C’est peu de dire que le site d’ArcelorMittal situé à Fos-sur-Mer est en crise. Alors que cette usine, qui emploie 2 500 salariés (4 500 en comptant la sous-traitance), se remettait à peine de la crise financière de 2008, la mise à l’arrêt de l’économie mondiale pendant plusieurs semaines a stoppé net son élan. Dès les premiers jours du confinement, la direction a décidé d’éteindre l’un des deux hauts-fourneaux et a annoncé trop rapidement l’arrêt du second dès cet été. Un véritable choc dans le secteur de la sidérurgie hexagonale qui ne compte plus que deux sites de cette importance, le second étant situé à Dunkerque, sur la Mer du Nord.

Un maintien en activité… au caractère provisoire

Quelques semaines après ladite annonce, sous la pression des organisations syndicales – CFDT en tête –, ArcelorMittal s’être ravisée et continue de maintenir en activité le second haut-fourneau, mais dans une situation qui ne peut être que provisoire. La rentabilité d’un tel site industriel ne peut être garantie que si les installations fonctionnent à plein régime. « Dans la sidérurgie, les marges restent souvent faibles, explique Géry Thoraval, délégué syndical central CFDT. Situé à quelques kilomètres de Marseille, Fos est une usine intégrée qui alimente en acier le bassin méditerranéen avec une production de 3,7 millions de tonnes (MT) en 2019 et prévoyait d’augmenter ses capacités jusqu’à 5 MT. L’amortissement des frais de fonctionnement est plus difficile en dessous des 4 MT sur un marché européen de l’acier mal régulé. »

Alors que la demande en acier a chuté de 50 % et que l’entreprise ne parvient à vendre que 50 % de sa production, la direction a pris conscience que l’arrêt du second haut-fourneau et sa mise en sommeil jusqu’en 2021 aurait été mortifère. Non seulement la phase de redémarrage est extrêmement coûteuse et compliquée, mais un arrêt aurait fait prendre le risque de perdre les compétences des salariés, ce qu’ont bien fait comprendre les organisations syndicales. « La crise de 2008 nous a servi de leçon, affirme Géry Thoraval. Notre savoir-faire est précieux. On ne peut pas mettre à l’arrêt une usine et la redémarrer sans réfléchir au maintien des compétences et à leur transmission aux nouvelles générations. »

Si les organisations syndicales ont été un peu soulagées par ce revirement d’ArcelorMittal, l’avenir reste incertain. Le reprise de l’activité à court et moyen termes dépend à présent en grande partie de décisions qui dépassent le périmètre de l’usine. Le groupe ArcelorMittal demande en effet l’aide rapide et immédiate des pouvoirs publics tandis que ces derniers souhaitent obtenir des contreparties. Un bras de fer qui rappelle ce qui se passe également dans l’automobile. « Il est certain que la sidérurgie française ne pourra pas faire face seule, insiste Géry Thoraval. La CFDT a toujours soutenu le principe des mesures européennes de maîtrise des importations chinoises d’acier ainsi que les aides publiques pour encourager une production d’acier plus respectueuse de l’environnement. Cette position fait d’ailleurs largement consensus. En revanche, il est hors de question pour nous qu’ArcelorMittal obtienne des fonds publics pour repartir comme avant. Nous exigeons des engagements en matière d’emploi et des investissements fléchés sur la transition écologique du site. »

Une volonté affichée de lutter contre la pollution

La question écologique est ici particulièrement sensible car la population a pris conscience, assez récemment, de la pollution émise dans ce bassin industriel, l’un des plus importants d’Europe, et ses conséquences sur la santé. Plusieurs études ont déjà mis le feu aux poudres en 2018, poussant les pouvoirs publics à être un peu plus exigeants avec les industriels, dont ArcelorMittal. « Nous sommes salariés mais nous sommes aussi des habitants, alors nous sommes très clairs : la santé avant l’activité ! La crise du Covid nous a montré que c’était possible », résume Géry Thoraval. Alors que la transition écologique du bassin commençait à peine à s’engager, la CFDT s’inquiète des conséquences de la crise actuelle sur la trentaine de projets censés se mettre en place en partenariat avec les pouvoirs publics. Des investissements estimés à 400 millions d’euros, qu’ArcelorMittal voudrait voir débloquer dès juillet. Le géant anglo-indien rappelle d’ailleurs très régulièrement son poids économique dans la région afin de décider les pouvoir publics à agir. L’entreprise dépenserait 300 millions d’euros chaque année en achats locaux, 200 millions en salaires et charges et 30 millions en taxes diverses et aurait investi sur le site 1,3 milliard ces vingt dernières années. De quoi avoir toute l’attention de la région et du département, qui se déclarent prêts à s’engager.

« Personne ne sait si cette crise va accélérer le processus ou au contraire le ralentir. En revanche, nous sommes certains qu’il ne faudra pas se contenter de promesses de la part des industriels mais bien d’engagements fermes », ont rappelé les militants CFDT au préfet lors de la dernière réunion sur ce sujet, en mai dernier.

jcitron@cfdt.fr