Retour

[Interview] «Les grandes entreprises doivent assumer leurs responsabilités sociales»

Publié le 10/03/2014

Dans un long entretien publié dans La Voix du Nord du 9 mars 2014, Pascal Catto, engagé dans les négociations sociales actuelles, tant au plan régional que national rappelle que derrière les luttes dont on parle se cachent bien d’autres conflits qui révèlent une situation extrêmement préoccupante. 

Le pacte de responsabilité

« Tout cela se fait évidemment en plusieurs étapes, mais nous devons être vigilants. Le patronat est arrivé en début d’année en disant Nous allons créer un million d’emplois, mais sans donner de méthode. En quelque sorte, il fallait leur donner l’argent et les laisser faire ! Nous ne pouvons accepter cela. Peu importent les chiffres, pour nous. L’essentiel, c’est la méthode. Nous voulons discuter dans les branches, sur chaque convention collective, des salaires, de l’apprentissage, l’emploi des jeunes, les classifications… Nous sommes tous dans le même bateau pour trouver des solutions.

J’entends déjà des patrons dire qu’il va être possible d’augmenter les dividendes, mais ce n’est pas pour cela que sont faits les allégements de charges ! On a vu des attitudes totalement irresponsables de la part de certains membres du patronat. Nous serons donc vigilants : pour ceux qui n’auront pas répondu aux attentes, il ne devra pas y avoir d’allégements de charges.

D’autre part, on sait que la diminution des charges des entreprises se fera sur la branche famille. Mais il est hors de question de renoncer aux prestations. C’est au gouvernement d’assurer cela. On ne sait d’ailleurs pas encore de quelle manière.

En tout cas, nous en sommes à un relevé de conclusions qui doit être partagé avec le gouvernement. Nous devons nous mettre autour d’une table d’ici au mois de juillet. Le seul objectif, c’est l’emploi. Et l’emploi ne se décrète pas. Cela se saurait ! »

L’actualité sociale dans la région

« C’est sûr, certains salariés sont loin des préoccupations du pacte de responsabilité. Ils en sont à défendre leur emploi, ou à se battre pour faire respecter leurs droits. Les grandes entreprises doivent assumer leurs responsabilités sociales.

Chez Stora Enzo, c’est un groupe nordique qui a baladé les salariés pendant six mois en faisant croire qu’il cherchait un repreneur mais n’en trouvait pas. Quand le gouvernement a repris la copie, Arnaud Montebourg en a trouvé trois. En fait, le groupe finno-suédois ne voulait pas s’encombrer d’un concurrent !

Chez Continentale nutrition, où il y a eu des erreurs stratégiques, nous avons attendu trois semaines avant d’être reçus. À La Redoute, où il y a eu des erreurs également, notamment dans le manque d’anticipation du e-commerce, l’enjeu est d’obtenir des conditions de départ acceptables, mais également un investissement du groupe Kering pour l’avenir.

Mais au-delà des licenciements dont on parle, parce qu’ils sont spectaculaires, il y a tous ceux qui se font dans l’anonymat. En 2013, il y a eu près de 13 000 licenciements, dans le Nord-Pas de Calais. Or, seulement 2 700 se sont faits dans le cadre d’un plan social. Beaucoup de petites entreprises meurent, notamment par manque de soutien des banques… »

Les chiffres du chômage

« C’est vrai que l’INSEE n’annonce pas les mêmes tendances que Pôle emploi, mais c’est parce qu’ils ne se basent pas sur les mêmes critères. On a un vrai problème pour déterminer le nombre exact des personnes en recherche d’un emploi. Tant de jeunes se débrouillent eux-mêmes et ne sont inscrits nulle part ! Dans le Nord-Pas de Calais, il y a 370 000 inscrits à Pôle emploi, mais un chiffre ne reste qu’un chiffre. Il faut surtout avoir conscience que derrière ces chiffres, il y a des personnes et je voudrais plutôt qu’on dise ce qu’on fait, ce qu’on met en place pour chacune de ces personnes. »

Les enregistrements de Patrick Buisson

« Je n’ai que deux mots : c’est consternant et irresponsable ! De tels comportements font monter la défiance et resurgir l’idée de tous pourris. C’est très mauvais. D’autant qu’on met tout le monde dans le même sac, alors. Y compris les organisations syndicales. Mais maintenant, je pense que c’est à la justice de faire son travail… »

La situation en Ukraine

« On sent un danger imminent : celui de retourner à l’époque soviétique. Et cela fait peur. L’Europe doit s’engager résolument pour une solution diplomatique. Il y a une unité, au moins, dans ce pays, pour rejeter la corruption. Mais on a plutôt l’impression qu’on s’apprête à découper l’Ukraine, pour en rattacher une partie à la Russie. C’est fou : on se croirait revenu à l’époque où on envahissait les pays impunément ! »

Propos recueillis par Eric Dussart