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Travail de nuit, ce que dit la loi

Publié le 25/09/2013

Après Apple, Uniqlo et Monoprix, c’est au tour de Sephora de se faire rappeler à l’ordre pour ouverture nocturne illégale de son enseigne sur les Champs-Elysées. Le parfumeur, confirmé en première instance, vient de se voir condamner par la Cour d’appel de Paris, sous astreinte, à fermer à 21 h (commentaire d'arrêt dans LE FIL D'ACTUALITE). En attendant un arbitrage bienvenu de la Cour de cassation, voici un point de la législation actuelle en matière de travail de nuit.

Depuis une loi du 9 mai 2001[1], la France est rentrée dans les clous du droit européen en instaurant un régime légal du travail de nuit (définition, modalités de recours, garanties et contreparties...) codifié aux articles L 3122-29 et suite du Code.

Enjeu de santé publique

L’enjeu d’encadrer le travail nocturne tient à la protection de la santé des salariés, dont est responsable l’employeur. En effet, ces horaires atypiques peuvent avoir de lourdes conséquences sur la santé physique des travailleurs de nuit (ex : risques accrus de troubles cardio-vasculaire), leur santé mentale (ex : risque de dépression) et leur vie sociale (isolement, rupture des liens familiaux).  C’est pourquoi  la loi impose que le travail de nuit soit exceptionnel, justifié, encadré et limité dans la durée.  

Quand commence la « nuit » ?

Le travail de nuit commence, en principe, à 21 h et se termine à 6h, selon le Code du travail[2].  Pour d’autres professions, la notion de nuit est différente, ex : pour les journalistes, spectacles ou discothèques, la nuit débute à minuit et se termine à 7 h[3]. Ces taquets ne sont toutefois pas absolus, par convention ou accord collectif, (ou à défaut sur autorisation de l’inspecteur du travail et consultation des représentants du personnel), il est possible de choisir une autre période de « nuit », de 9 h consécutives, pourvu qu’elle soit comprise entre 21 h et 7 h et, qu’a minima, elle inclut la période entre minuit et 5 h. Ex : de 22h à 7h : OK ; de 19h à 4h : NON.

Qui est travailleur de nuit[4] ?

Deux cas de figure : est considéré comme travailleur de nuit le salarié qui, au moins deux fois par semaine,  passe 3 h de son temps de travail quotidien en période de nuit. Il peut également s’agir d’un salarié qui accomplit au moins 270 h de travail de nuit sur 12 mois consécutifs[5].

A noter : le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, même partiel, constitue ce que l’on appelle une modification du contrat de travail. Le salarié est donc tout à fait en droit de le refuser (en principe) sans que cela ne constitue une faute professionnelle.

Travail de nuit encadré et justifié.

Le recours au travail de nuit n’est pas le mode « normal » d’organisation du travail, et présente des risques pour la santé des salariés. Il doit donc être justifié par la « continuité de l’activité économique ou du service d’utilité sociale[6] ». A titre de contre-exemple, l’argument de la rentabilité économique ne sera a priori pas un argument pertinent (ce qui a été mis en avant par Sephora devant la Cour).

Cette justification doit figurer dans l’accord collectif qui le met en place (accord de branche étendu ou accord d’entreprise ou d’établissement). Le travail de nuit ne peut être général, pour tous les salariés, mais justifié au cas par cas. A défaut d’accord collectif, le travail de nuit peut être mis en place par autorisation de l’inspecteur du travail,  à condition que l’employeur ait engagé une négociation « loyale et sérieuse » ; ce qui suppose d'avoir convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. Il doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

Protection des travailleurs de nuit.

L’accord collectif mettant en place le travail de nuit doit prévoir une contrepartie en repos et, le cas échéant, sous forme salariale[7]. Le repos compensateur devant être pris dans les plus brefs délais après la période nocturne.  Il doit également envisager la manière d’améliorer les conditions de travail de ces travailleurs de nuit, de faciliter l’articulation de leur vie professionnelle nocturne et leurs obligations « familiales et sociales »[8]. Il doit également assurer l’égalité professionnelle hommes/femmes, d’organiser les temps de pause, etc.

En cas d’incompatibilité avec des obligations familiales impérieuses (garde d’enfant, parents dépendants), le salarié peut demander son affectation à un autre poste.

A noter qu’étant particulièrement exposés en terme de pénibilité, les salariés nocturnes bénéficient d’un suivi médical « renforcé », tous les 6 mois. Les travailleurs de nuit ont également droit à une priorité d’embauche pour les autres postes « de jour » dans l’entreprise.

Durée du travail.

Le travail nocturne ne peut dépasser 8 h par jour [9] (sauf dérogation dans la limite de 12h) et 40 h/semaine (sur une période de 12 semaines consécutives)[10]. L’employeur peut pousser jusqu’à 44 h quand un accord le prévoit et que le secteur le justifie.

 

A LIRE: commentaire de l'arrêt dans le Fil d'actualité.


[1] Loi 2001-397 du 9 mai 2001

[2] Art. L.3122-29 C. trav.

[3] Art. L.3122-30 C.trav.

[4] Art. L.3122-31C.trav.

[5] Art. R.3122-8 C.trav. Sauf accord fixant une durée et une autre période de référence.

[6] Art. L.3122-33 C.trav.

[7] Art. L.3121-39 C.trav.

[8] Art. L.3122-40 C.trav.

[9] Art. L.3122-34 C.trav.

[10] Art. L.3122-35 C.trav.