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Représentativité patronale: les propositions de l’avant-projet de loi

Publié le 15/01/2014

Sur les aspects représentativité patronale, l’avant-projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale s’inspire beaucoup des propositions issues du rapport Combrexelle (lire Les pistes du rapport Combrexelle) rendu  en octobre dernier.  Dans ses grandes lignes, il ressort que le mode d’appréciation de la représentativité proposé est proche de celui qui, depuis de 2008, s’applique à l’endroit des syndicats de salariés, exception faite toutefois de la mesure de l’audience. L’avant-projet de loi tisse également un certain nombre de « ponts » entre la mise en œuvre de la représentativité patronale, l’extension des accords collectifs et la restructuration des branches professionnelles.

  • L’établissement de la représentativité patronale

Les critères retenus

C’est un futur article L. 2122-14 inséré dans le Code du travail qui serait chargé de les fixer.

Les cinq premiers critères qu’il retient sont un « copier / coller » de ceux qui s’appliquent déjà en matière de représentativité syndicale :

-          le respect des valeurs républicaines,

-          l’indépendance,

-          la transparence financière,

-          une ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts,

-          l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience.

La seule différence repose sur le critère d’appréciation de l’audience qui n’est pas fondé sur l’élection mais sur l’adhésion.

En la matière, le projet de loi reprend à son compte les propositions issues du rapport Combrexelle : il précise que « l’audience s’apprécie en tenant compte du nombre d’entreprises adhérentes et selon les niveaux de négociation » (branche et national interprofessionnel).

  • Déclinaison de la représentativité patronale aux différents niveaux

La déclinaison est envisagée au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel.

La représentativité patronale de branche

C’est un nouvel article L. 2122-15 qui en préciserait les modalités d’appréciation. Pour que cette représentativité soit satisfaite, il faut que l’organisation professionnelle d’employeurs (en plus des critères de respect des valeurs républicaines, d’indépendance, de transparence financière, ancienneté dans le champ professionnel et géographique) justifie d’avoir un seuil minimum d’entreprises adhérentes (à jour de leur cotisation). Le seuil est fixé au même niveau que la représentativité syndicale de branche : « au moins de 8% de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche ».

Un nouvel article L. 2122-15 préciserait que « le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations » doit être « attesté par un commissaire aux comptes ».

Par ailleurs, le futur article L. 2122-15 précise également que, pour être représentative, l’organisation professionnelle d’employeurs doit « disposer d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ». Ce qui se cale sur ce qui existe également en matière de représentativité syndicale.

Le cycle de représentativité patronale serait « calé » sur celui de la représentativité syndicale, un nouvel article L. 2122-15 préciserait que la mesure de l’audience se ferait tous les quatre ans (la première mesure est prévue en 2017).

La représentativité patronale au niveau national interprofessionnel

Comme pour le niveau de la branche, l’accès à la représentativité patronale  passe par l’obtention d’un seuil minimal d’adhérents : « au moins de 8% de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs ».  Le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations doit être « attesté par un commissaire aux comptes ».

La mesure de l’audience serait réalisée tous les quatre ans (la première en 2017).

  • La question des multi-adhésions

Il s’avère que, bien souvent, les entreprises ou les organisations professionnelles d’employeurs de branche d’adhèrent à plusieurs organisations professionnelles intervenant au niveau national interprofessionnel.

Comment, alors, calculer leur audience ? Quel nombre d’adhérents attribuer à telle ou telle organisation patronales? Pour résoudre cette difficulté, l’avant-projet de loi donne la main aux organisations professionnelles. Il précise, en effet, qu’il leur appartient de répartir entre elles le nombre d’entreprises adhérentes (ainsi que le nombre de salariés que ces dernières représentent).

Mais ce « droit de répartition » sera cependant doublement encadré :

- l’avant-projet de loi précise qu’un décret viendra fixer un pourcentage minimum d’attribution pour chaque organisation patronale (il ne serait par exemple pas possible d’attribuer 100% des adhérents à une organisation patronale et 0% à une autre).

- le texte précise aussi que la répartition devra s’appuyer sur des « critères objectifs ». Des critères qui ne sont toutefois pas définis à ce stade.

  • L’obtention d’un « label » de représentativité

L’avant-projet de loi précise très clairement que pour obtenir leur label de représentativité, les organisations patronales devront, en plus des critères précédemment évoqués, faire acte de candidature. Un contrôle de ces critères se ferait a priori dans des conditions qui seront fixées par décret.

Nous nous orienterons donc vers un système de contrôle a priori de la représentativité patronale, alors même que, s’agissant de la représentativité syndicale, le contrôle se fait a posteriori sur certains critères, et encore, seulement en cas de contentieux. Il serait peut-être souhaitable que, s’agissant de la représentativité syndicale, nous évoluions également vers ce type contrôle a priori.

La liste des organisations patronales représentatives serait établie par le ministre du Travail, au niveau des branches et au niveau national interprofessionnel (après avis du Haut conseil au dialogue social).

  • Certification des comptes des organisations patronales

L’article L. 2135-6 du Code du travail serait modifié pour ajouter à la transparence financière l'obligation de certification des comptes de l’ensemble des syndicats professionnels d’employeurs, de leurs unions et des associations d’employeurs.

  • Nouvelles conditions d’extension des accords collectifs

L’article L. 2261-19 actuel serait complété afin d’instituer une nouvelle condition nécessaire à l’extension d’un texte conventionnel signé à la branche ou à l’interprofessionnel.

Il faudrait, pour pouvoir être étendu, que l’accord signé ne fasse pas l’objet de l’opposition d’une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau concerné, dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50% de l’ensemble des salariés des entreprises adhérentesau niveau concerné.

A noter que le poids de la (ou des) organisation(s) patronale(s) qui forme(nt) opposition est celui du nombre de salariés qu’elles « représentent ». Il s’agit donc, ici, d’une majorité en poids de salariés et non pas en nombre d’entreprises adhérentes.

Les conséquences d’une opposition formée par une ou plusieurs organisations patronales serait moins rigoureuse que celle formée par les organisations syndicales, puisqu’elle n’aurait pas pour conséquence de faire tomber le texte, mais « simplement » d’en empêcher l’extension.

 Enfin, seule une majorité d’opposition est retenue. La minorité d’engagement à 30% imposée côté syndical, ne l’est pas pour les organisations d’employeurs (contrairement à ce que le rapport Combrexelle préconisait pour l’interprofessionnel). Une solution positive à notre sens, car en rajoutant une éventuelle majorité d’engagement patronale, le risque aurait été de bloquer le dialogue social au niveau des branches ou national interprofessionnel.

  •  Impact de la représentativité patronale sur la restructuration des branches

C’est un nouvel article L. 2122-18 qui préciserait la portée de cette mesure. Dès lors que, dans une branche donnée, la ou les organisations professionnelles d’employeurs existante(s) comptent moins de 5% d'adhésion des entreprises évoluant dans le champ d’application de la convention collective; dans ce cas, le ministre du Travail pourrait, après avoir pris l’avis de la Commission nationale de la négociation collective, décider de :

- refuser d’étendre la convention collective, ses avenants et annexes,

- d’élargir à cette branche la convention collective d’une autre branche,

- décider de la fusion du champ d’application de cette convention collective avec celui d’une autre branche.

 Il conviendrait de veiller à ce que ces mesures n’impactent pas des branches où, malgré un très faible taux d’adhésion des entreprises aux organisations patronales, il existe un dialogue social pertinent et constructif. Les avis rendus par les partenaires sociaux devraient donc réellement être pris en compte.