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Règlement intérieur : une modification non soumise au CHSCT est inopposable

Publié le 25/02/2015

La Cour de cassation vient de préciser qu’une modification du règlement intérieur intervenue sans consultation préalable du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, alors même que cette modification entre dans son domaine de compétence, est inopposable au salarié. Cass.soc, 11.02.15, n°13-16457

  • Rappel des faits

Le règlement intérieur de l’entreprise prévoyait l’interdiction pour les salariés de porter leur vêtement de travail en dehors du lieu et des heures de travail. Cette interdiction signifiait en conséquence que les salariés concernés devaient impérativement mettre leur vêtement et le quitter sur leur lieu de travail. Cela entraînant, de fait, le versement d’une prime d’habillage et de déshabillage.

Cette disposition du règlement intérieur a fait l’objet d’une modification par l’employeur après consultation du comité d’entreprise. Désormais, les salariés concernés ont la possibilité de venir et de repartir du travail avec leur tenue de travail.

En instaurant cette exception, l’employeur a du même coup fait disparaître le temps d’habillage et de déshabillage supplémentaire, car le salarié n’a plus l’obligation de s’habiller et de se déshabiller sur son lieu de travail. Il a ainsi supprimé la contrepartie jusqu’alors versée.

Un salarié de l’entreprise a décidé de saisir les juges afin d’obtenir le paiement de ses temps d’habillage et de déshabillage. Il considère qu’en l’absence de consultation préalable du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la modification du règlement intérieur ne pouvait lui être opposée.

  • Fallait-il consulter le CHSCT en amont ?

Il a obtenu gain de cause devant les juges du fond qui ont condamné l’employeur à lui verser des rappels de prime d’habillage et de déshabillage.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation. Selon lui, n’entre pas dans le champ de compétence du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail la modification du règlement intérieur selon laquelle les salariés peuvent vêtir ou revêtir leur tenue de travail en dehors de l’entreprise. Ainsi, la modification du règlement intérieur, intervenue après consultation du comité d’entreprise, est régulière et opposable aux salariés.

La Cour de cassation a donc dû répondre à la question de savoir si le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail devait être consulté en cas de modification du règlement intérieur portant sur des éléments intervenants hors de l’entreprise.

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article L. 1321-4 du Code du travail, les « clauses du règlement intérieur ne peuvent être modifiées qu’après que le projet a été soumis à l’avis du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour les matières relevant de sa compétence ».

Dans un second temps, elle relève que l’employeur n’a pas soumis au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail la modification du règlement intérieur prévoyant une exception à l’interdiction de porter les vêtements de travail en dehors du lieu et des heures de travail. Elle retient, sans le dire explicitement, que tout ce qui touche aux vêtements de travail relève de la compétence du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, peu importe l’endroit où ils sont mis et retirés.

Enfin, elle en déduit que cette modification, non soumise au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, n’est pas opposable au salarié.

  • Conséquences de la non-consultation du CHSCT

Tout en rappelant l’obligation de consulter le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en cas de modification du règlement intérieur relevant de son champ de compétence, cette décision de la Cour de cassation est particulièrement intéressante sur les conséquences du non-respect de cette obligation.

Bon à savoir. Depuis longtemps, la Cour de cassation considère que le défaut de consultation des représentants du personnel lors de l’élaboration du règlement intérieur est sanctionné par la nullité du règlement intérieur qui ne peut être appliqué (1).

Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme clairement que le défaut de consultation du CHSCT lors d’une modification du règlement intérieur portant sur son domaine de compétence est sanctionné par l’inapplicabilité des dispositions ainsi modifiées et par leur inopposabilité aux salariés.

Cette décision s’inscrit dans la suite logique d’un arrêt de 2012 (2) par lequel la Cour de cassation a considéré que toutes les notes de service complétant le règlement intérieur doivent elles aussi, fort logiquement, faire l’objet d’une consultation des représentants du personnel pour acquérir une force obligatoire.

Pour le salarié demandeur à l’action, ce défaut de consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail lui a permis, en invoquant l’inopposabilité de la modification sur le port des tenues de travail, d’obtenir un rappel de rémunération pour les temps d’habillage et de déshabillage dont il a été injustement privé.

  • Devoir de vigilance en cas de modification du RI

Si cette décision invite les employeurs à beaucoup de prudence sur le choix des représentants du personnel consultés préalablement à toute modification du règlement intérieur (le Comité d’entreprise, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les deux ?), elle incite aussi les élus à aller vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en la matière.

En effet, les conséquences pour les salariés peuvent être de taille : par exemple, quid d’une sanction prise à l’encontre d’un salarié refusant le port de la tenue de travail imposée suite à une modification du règlement intérieur, alors même que le CHSCT n’a pas été consulté ? Quid encore du salarié sanctionné par une mise à pied conservatoire, alors même que celle-ci vient tout juste d’être insérée au règlement intérieur sans consultation préalable du comité d’entreprise ?

Ainsi, lorsque l’employeur invoque une disposition du règlement intérieur, les élus ont tout intérêt à aller vérifier que celle dernière a bien fait l’objet d’une consultation préalable !


(1)   Cass.soc, 04.06.69, n°68-40377

(2)   Cass.soc, 09.05.12, n° 11-13687