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Militants : l'entrave n’est pas en soi une discrimination syndicale

Publié le 22/10/2014

L’entrave aux attributions des institutions représentatives constitue-t-elle, en elle-même, une discrimination syndicale ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt récent. Cass.soc, 08.10.14, n° 13-16720.

Les faits

Dans cette affaire, un représentant du personnel a décidé de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la reconnaissance d’une discrimination syndicale à son encontre.

Au soutien de sa demande, il invoque diverses entraves à ses attributions de représentant du personnel : absence des réunions mensuelles de délégués du personnel, refus de prise en charge des frais de déplacement à une réunion du comité d’entreprise, ou encore refus de communiquer des informations nécessaires à la mission de l’expert-comptable du comité d’entreprise. Les entraves sont les seuls éléments invoqués par l’élu à l’appui de sa demande.

La cour d’appel décide de retenir ces entraves comme établies, mais considère qu’elles ne sont pas constitutives d’une discrimination syndicale.

L’élu décide de porter l’affaire devant la Cour de cassation qui doit alors répondre à la question suivante :

Les entraves aux attributions des institutions représentatives sont-elles nécessairement constitutives d’une discrimination syndicale ?

Par un arrêt en date du 8 octobre 2014, la Cour de cassation répond que : « La méconnaissance par l’employeur des attributions des institutions représentatives du personnel ne constitue pas en soi une discrimination syndicale au sens de l’article L. 1132-1 du Code du travail. »

Ainsi, les entraves ne suffisent pas, à elles seules, à caractériser une discrimination syndicale.

La Cour de cassation valide ainsi la position des juges du fond en décidant que l’ensemble des éléments fournis par le salarié (il s’agissait uniquement de la preuve des entraves) ne laissaient pas présumer l’existence d’une discrimination syndicale.

Pourquoi la reconnaissance du délit d’entrave n’entraine pas automatiquement celle de la discrimination syndicale ?

Le principe selon lequel l’entrave aux attributions des institutions représentatives du personnel n’est pas constitutive en soi d’une discrimination syndicale est ici clairement rappelé.

Un tel positionnement trouve notamment à se justifier par le fait que, s’agissant du délit d’entrave, l’élément intentionnel n’a pas à être établi  pour que la culpabilité de l’employeur soit finalement retenue. A l’inverse de ce qui est exigé en matière de discrimination syndicale.

Les conditions de reconnaissance de la discrimination

La Cour de cassation met également l’accent sur la définition de la discrimination syndicale pour justifier son positionnement.

La discrimination, que l’on peut définir comme un traitement défavorable ou une différence de traitement injustifié, suppose en effet la réunion de deux éléments :

-          Un motif discriminatoire : il en est ainsi des activités syndicales qui sont visées par l’article L. 1132-1 du Code du travail,

-          Une mesure discriminatoire : cela peut être une sanction, un licenciement ou encore une mesure en matière de rémunération, de promotion professionnelle, ou encore de classification.

Pour la haute Cour, de toute évidence, l’entrave, qui est définie comme une atteinte par l’employeur aux institutions représentatives du personnel, dans leur mise en place, leur fonctionnement ou encore leur attribution, ne peut être considérée, à elle seule, comme une mesure discriminatoire, fondée sur un motif discriminatoire.

Ce qui est en l’espèce regrettable, puisqu’en l’occurrence, au constat de toutes ces entraves, les juges auraient pu présumer une discrimination syndicale. À la charge ensuite pour l’employeur de se justifier.

 Une différence de traitement entre deux organisations syndicales, qui peut se traduire par exemple par une entrave aux attributions d’un seul délégué syndical, ou d’une seule organisation syndicale dans l’entreprise, est considérée comme étant une discrimination syndicale par la Cour de cassation (Cass.soc, 10 mai 2005, n° 03-40675).