Retour

Le travail dissimulé au crible de la question de constitutionnalité

Publié le 22/04/2014

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a encore frappé. Même l’arsenal répressif du travail dissimulé n’est pas à l’abri, puisque c’est l’une des dispositions s’y rattachant qui a subi les foudres du Conseil constitutionnel. En cause, le « droit à un recours juridictionnel effectif ». Cons. Const. décision n° 2014-387, QPC du 04.04.14.

La lutte contre le travail dissimulé nécessite la mobilisation d’un nombre conséquent d’acteurs. Parmi ceux-ci, les inspecteurs et les contrôleurs du travail bien sûr, mais aussi les officiers et les agents de police judiciaire. Afin de mener à bien leurs investigations, ces différents agents de contrôle disposent d’un certain nombre de prérogatives. C’est ainsi que le Code du travail[1] leur donnent capacité à dresser procès-verbal et à se faire communiquer certaines informations et documents (tant de la part de l’employeur que des services préfectoraux).

L’article L. 8271-13 du Code du travail habilite, quant à lui, les officiers et, le cas échéant, les agents de police judiciaire à « procéder à des visites domiciliaires, à des perquisitions » ou bien encore « à des saisies de pièces à conviction ». Ce, dans le cadre d’enquêtes préliminaires et sur le fondement d’une ordonnance du président du tribunal de grande instance.

C’est ce dernier article qui, le 4 avril 2014, a été jugé inconstitutionnel par les Sages de la rue Montpensier.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les justiciables employeurs concernés par ce type de « visites, perquisitions » ou de « saisies » ne sont pas toujours assurés de pouvoir former recours contre cette ordonnance. Ainsi en ira-t-il lorsque, à l’issue des investigations menées, aucune poursuite ne sera engagée[2]. Pour qu’un recours puisse être formé, encore faut-il que le justiciable employeur fasse l’objet de poursuites. S’il tel n’est pas le cas, ce dernier ne pourra, en aucune façon, contester l’ordonnance rendue.

Et c’est bien là que le bât blesse puisque, en soi, cela est de nature à remettre en cause « le droit à un recours juridictionnel effectif », tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789[3].

Cependant, la décision du 4 avril 2014 n’emporte pas abrogation immédiate du texte litigieux, puisque le conseil constitutionnel prononce à nouveau une décision d’inconstitutionnalité à effet décalé dans le temps[4]. Les neuf Sages justifient une telle façon de procéder en précisant que « l’abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait l’objectif de recherche des auteurs des infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives ». Ainsi, en effet, l’article L. 8271-13 du Code travail restera-t-il actif jusqu’à la toute fin de cette année.

En conséquence, point de vide juridique à redouter, mais une impérieuse nécessité pour le législateur à s’emparer de la question dans les meilleurs délais, afin de construire un système rendant possible, à tout coup, dans ce type de procédure, la contestation des ordonnances rendues. Affaire à suivre …



[1] Articles L8271-8 à L8271-12 du Code du  travail.

[2] Pour la Cour de cassation,  le seul recours ici ouvert est le recours en nullité devant la chambre de l’instruction ou devant le tribunal correctionnel : Cass. crim. 16.01.02, n° 99-30.359.

[3] Article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

[4] Cf., dans le même sens, la décision n° 2013-357 QPC rendue en matière de visite douanière des navires. V. déjà la décision sur la garde-à-vue.

TÉLÉCHARGEMENT DE FICHIERS