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Grève: séquestrer son employeur peut constituer une faute lourde

Publié le 27/08/2014

La Cour de cassation a récemment jugé que la participation du salarié, au cours d’une grève, à la séquestration du DRH constituait une faute lourde. Elle a par ailleurs confirmé que peut-être licite le mouvement de grève, engagé en solidarité avec des salariés menacés de sanction, suite à une précédente grève. Cass. Soc. 02.07.14, n° 13-12562

Dans cette affaire, un salarié a été licencié pour faute lourde pour avoir séquestré son directeur des ressources humaines (DRH), au cours d’une grève. Ce dernier n’a été libéré que 4 heures plus tard, après l’intervention des forces de l’ordre. Cette grève avait été engagée par une organisation syndicale pour soutenir des salariés sanctionnés (ou menacés de sanctions) à la suite d’un précédent mouvement de grève.

L’arrêt soulève deux interrogations :

-          La séquestration du directeur peut-elle constituer une faute lourde ?

-          La grève de solidarité est-elle licite ?

  • Séquestration du DRH pendant une grève : gare à la faute lourde !

Un salarié gréviste ne peut être sanctionné ou licencié pour un fait commis à l’occasion de la grève à laquelle il participe, que si ce fait constitue une faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire (Art. L. 2511-1 du Code du travail)

Alors qu’à plusieurs reprises la cour de Cassation a déjà pu juger que la séquestration constituait une faute lourde (1) justifiant le licenciement d’un salarié gréviste, la Cour d’appel n’a pas voulu ici retenir cette qualification.

Les juges du fond ont certes, reconnu que les faits invoqués à l’encontre du salarié constituaient une faute personnelle, mais ils ont estimé que tous les griefs retenus à l’encontre du salarié (dont la participation personnelle à la séquestration du DRH) ne révélaient pas cette intention de nuire indispensable à qualifier une faute lourde.

 La Cour de cassation a, sur ce point, censuré la cour d’appel : après avoir constaté « que le salarié avait personnellement participé à l’action collective au cours de laquelle le DRH avait été retenu de 11 h 45 à 15 h 30 dans son bureau, dont il n’avait pu sortir qu’après l’évacuation par les forces de l’ordre des personnes présentes », il en « résultait que le comportement du salarié était constitutif d’une faute lourde ». Pour la haute Cour, il y avait donc bien en l’espèce intention de nuire.

La faute lourde a des conséquences importantes pour le salarié : pas d’indemnité de licenciement, pas d’indemnité compensatrice de préavis, pas d’indemnité compensatrice de congés payés.

  •  Si l’exercice de la grève est un droit, tout n’est cependant pas permis.

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient poser les limites au droit de grève en illustrant la notion de faute lourde commise lors d’une mobilisation des salariés.

Pour autant, en reprenant, dans son attendu les faits précis de l’espèce, la Haute juridiction ne semble pas avoir voulu poser de principe général selon lequel le délit de séquestration constituerait d’office une faute lourde.

On peut ainsi se demander si la même solution aurait été retenue dans le cas d’une séquestration plus « douce » d’un membre de la direction, c’est-à-dire très brève, sans violence, et prenant fin sans intervention extérieure mais grâce au dialogue…

  • Une grève de solidarité est-elle licite ?

Les grèves ayant pour seul but de soutenir un salarié de l’entreprise licencié ou menacé de sanction ou de licenciement pour un motif strictement personnel, appelées aussi « grèves de solidarité », sont en principe illicites (Cass. Soc., 30.05.89, n°86-16.765)

Pour autant, la cour d’appel va considérer que dès lors que les menaces pesant sur les salariés « pouvaient apparaître comme caractérisant une volonté d’intimidation des salariés grévistes », « la mobilisation destinée à les soutenir répondait à un intérêt collectif », ici, la défense du droit de grève. Le mouvement était donc licite.

Pour la société, à partir du moment où les salariés étaient sanctionnés pour des motifs personnels, la grève engagée par solidarité n’avait pas lieu d’être.

La Cour de cassation a approuvé l’analyse de la cour d’appel : la grève de solidarité destinée à défendre un intérêt collectif et professionnel est licite, peu important les motifs pour lesquels les salariés soutenus ont été sanctionnés.


(1) Cass. Soc., 1er avril 1997, n°95-42.246: séquestration d’un directeur commercial dans les locaux administratifs pendant plus de 10 heures, les salariés grévistes s’opposant physiquement à sa sortie.