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Projet de loi Macron : les modifications à retenir

Publié le 24/02/2015

Au terme d’un ultime bras de fer à l’Assemblée nationale, c’est un projet de loi Macron profondément remanié qui a été transmis au Sénat. La CFDT a pesé sur certains de ces changements.

Il aura donc fallu que le gouvernement engage sa responsabilité pour que le projet de loi Macron, texte « patchwork » qui va de la réforme du permis de conduire au travail du dimanche, soit adopté à l’Assemblée nationale. Nul ne pourra dire que le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a lésiné dans sa tentative de convaincre une majorité de députés de voter le texte présenté le 10 décembre 2014 en Conseil des ministres : 200 heures de débat, 5 000 amendements examinés, un millier adopté. Le texte n’a donc plus grand-chose à voir avec sa version initiale. Pour la CFDT, certains dossiers étaient attendus. C’est le cas du renforcement des pouvoirs de sanction de l’inspection du travail, que le projet de loi renvoie à une ordonnance. Sur d’autres sujets, la CFDT a plaidé, argumenté et en partie convaincu de renoncer aux dispositions qu’elle jugeait inacceptables. Alors que le texte va poursuivre son parcours parlementaire au Sénat, voici les principaux points à relever.

Travail du dimanche

Fidèle à son refus de « généraliser et banaliser le travail du dimanche », la CFDT n’a cessé de rappeler qu’« il doit rester exceptionnel et correspondre à de réelles nécessités ». Le projet de loi prévoit toujours que le nombre de dimanches pouvant être ouverts sur décision du maire passe de cinq à douze. Si « c’est trop », selon Laurent Berger, le plancher de cinq dimanches ouverts a disparu, comme le réclamait la CFDT. Ces dimanches restent payés double. Le texte crée en outre des zones de dérogation au repos dominical : zones touristiques et zones commerciales, douze gares à l’affluence exceptionnelle et zones touristiques internationales (où l’ouverture sera également autorisée de 21 heures à minuit, ces heures « nocturnes » étant payées double).

La CFDT a été entendue sur sa demande de contreparties pour tous les salariés travaillant le dimanche. Selon le projet de loi, toute ouverture dominicale est soumise à la signature d’un accord (territorial, de branche, d’entreprise ou d’établissement), qui fixe les contreparties, en particulier salariales, et des mesures de conciliation entre vies professionnelle et personnelle (transport, garde d’enfant, etc.). Pour la CFDT, c’est une véritable avancée puisque ces accords bénéficieront aux salariés, y compris de la sous-traitance, qui travaillent actuellement le dimanche sans aucune contrepartie.

Délit d’entrave

À l’origine, le projet de loi Macron prévoyait de dépénaliser l’entrave à la mise en place ou au bon fonctionnement des IRP (absence de convocation, défaut de consultation obligatoire, non-communication des documents, etc.), actuellement passible de 3 750 euros d’amende et d’un an de prison. Dans les faits, il est extrêmement rare que de telles peines soient prononcées. Mais aux yeux des représentants du personnel, c’est une arme de dissuasion, et la CFDT est intervenue pour la préserver. À ce stade, le texte maintient le caractère pénal de l’entrave. Le montant maximal de l’amende est doublé (de 3 750 à 7 500 euros) en cas d’entrave au fonctionnement ; l’entrave à la mise en place des IRP reste en outre passible d’un an de prison. La CFDT souhaite que le délit soit assorti de peines complémentaires (interdiction d’exercer des fonctions de direction ou de candidater à des marchés publics).

Lutte contre le dumping social

Le projet de loi renforce les moyens de lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs. Les textes européens prévoient qu’une entreprise européenne peut faire travailler des salariés en France sans y être basée : ses cotisations sont alors versées dans son pays d’origine, mais les travailleurs sont soumis aux règles du droit français (salaire, durée de travail, hygiène et sécurité, etc.). Or des entreprises « omettent » de déclarer leurs salariés, pratiquant un dumping social qui « sape les fondements mêmes de notre modèle social », alerte la CFDT. Le projet de loi Macron prévoit d’augmenter la sanction pour de telles fraudes de 10 000 à 500 000 euros. Les manquements au droit du travail seraient sanctionnés, soit par une amende (jusqu’à 10 000 euros par salarié concerné), soit par une suspension temporaire d’activité de l’entreprise.

Le texte instaure également une carte d’identification professionnelle dans le BTP – la CFDT réclame son extension à d’autres secteurs. Enfin, il élargit la pleine application des règles du détachement au cabotage dans le transport routier : le droit français s’appliquera donc aux chauffeurs routiers étrangers qui font des opérations de chargement et de déchargement lors de leurs traversées du territoire français.

Licenciements collectifs

Le projet de loi prévoyait qu’en cas de redressement ou liquidation judiciaire, l’administration apprécie le plan social au regard des moyens de l’entreprise, et non plus de ceux du groupe. Or il n’est pas rare qu’un groupe organise la faiblesse des moyens de sa filiale, a mis en garde la CFDT. Si cette disposition n’a pas été modifiée, le texte réaffirme l’obligation de l’employeur, du liquidateur ou de l’administrateur (selon les cas) de rechercher les moyens du groupe pour l’établissement du PSE. Un entre-deux peu convaincant qui crée un véritable risque juridique. La CFDT plaide en faveur de la suppression totale de cette disposition.

Autre changement, alors que le texte prévoyait que l’employeur puisse appliquer les critères d’ordre qui déterminent les licenciements (comme les charges de famille, l’ancienneté, etc.) de façon unilatérale – une disposition contraire à l’esprit de l’accord sur la sécurisation de l’emploi de 2013 – à un niveau inférieur à celui de l’entreprise, il privilégie désormais le niveau du bassin d’emploi. Sans aborder la situation des entreprises dont les sites sont répartis sur des zones d’emploi limitrophes.

aseigne@cfdt.fr

             
     

Réforme des prud’hommes : des évolutions positives, d’autres moins

Partant du constat que la justice prud’homale fonctionne mal (la France est régulièrement condamnée par l’Europe pour délais excessifs) et que ce sont les salariés qui en pâtissent, la CFDT, favorable à une réforme, considère que le projet de loi Macron est « porteur d’évolutions positives ». Ainsi, la création d’un statut de défenseur syndical, revendication de longue date de la CFDT, avec un statut de salarié protégé, un droit à la formation et le maintien de rémunération pendant les heures consacrées à son mandat, est « une véritable victoire syndicale ». Le projet de loi renforce par ailleurs la formation des conseillers prud’hommes, avec cinq jours de formation initiale (jusque-là inexistante) obligatoire, et jusqu’à six semaines par mandat de formation continue. Il favorise également la conciliation, permettant au bureau de conciliation d’entendre chacune des parties séparément et de manière confidentielle – une bonne pratique de certains conseillers CFDT est ainsi entérinée. De même, la possibilité d’un jugement immédiat en cas d’absence injustifiée d’une des parties peut dissuader les employeurs de jouer la montre. Sur d’autres points, telle la mise en état, la CFDT juge le texte insuffisamment ambitieux.

A contrario, la CFDT s’oppose à certaines dispositions. C’est le cas du « circuit court » : en cas de litige sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire, le bureau de conciliation pourrait, avec l’accord des deux parties, renvoyer l’affaire devant une formation restreinte du bureau de jugement (un conseiller salarié et un conseiller employeur), avec la promesse d’un jugement sous trois mois. « Cela consacre l’idée d’une justice à deux vitesses, avec un circuit noble mais long, et un circuit court, au rabais », déplore Laurent Loyer, du service juridique confédéral.

Une disposition dangereuse

Mais c’est surtout le possible renvoi direct du bureau de conciliation au départage par un juge professionnel, si les parties le demandent ou « si la nature du litige le justifie », qui constitue selon lui « la disposition la plus dangereuse du projet de loi : c’est une évolution à peine voilée vers l’échevinage » (mélange de juges professionnels et non professionnels).

Enfin, le projet de loi Macron a intégré in extremis un « référentiel indicatif » auquel le juge peut (et le terme a son importance) recourir. Il doit tenir compte notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi. Rien à voir avec la barémisation un temps envisagée – à laquelle la CFDT s’était vivement opposée en 2013. La CFDT entend d’ailleurs bien peser sur le contenu du décret au Conseil supérieur de la prud’homie.